Ces trois notions complexes d’entendement et d’application semblent au cœur des préoccupations des Québécois.
D’emblée, j’entends par Québécois tous ceux qui vivent au Québec.
Restreindre cette définition à ceux dits de « souche » ou faisant partie de la « majorité par la langue d’origine » me semble, non pas réducteur, mais établir des prémisses qui colorent le débat et donc l’interprétation et la compréhension des termes et, par conséquent, aboutient à une conclusion bien différente que l’acceptation globale (généreuse et libérale diront certains) m’amène.
Je ne critique pas ceux qui basent leur réflexion sur de telles prémisses, ils ont peut-être raison, mais cela me semble se dissocier de la notion de société qui vient de faire l’objet d’une motion débattue avec certains rebondissements et qui, sans faire l’unanimité, reflète la pensée de la majorité des Canadiens ou du moins des Parlementaires fédéraux plus précisément. Il est vrai que les raisons véritables des uns et des autres qui ont voté en faveur de cette résolution relèvent plus de la tactique politique partisane qu’autre chose : langage source de confusion; comment faire autrement lorsque le même mot a des significations différentes dans nos deux langues officielles?
Le multiculturalisme implique fondamentalement la cohabitation de personnes issues de différentes cultures et donc d’origines diverses avec des us et coutumes particulières; cela implique aussi que chacune d’entre elles a un vécu et une histoire en générale et de vie particulière différente et que toutes ces personnes désirent vivre ensemble et non en ghettos.
Il y a des avantages certains, pour ne pas dire richesses, qui résultent de la mixité des cultures; il y a cependant des inconvénients, pour ne pas dire des irritants, pour ceux qui accueillent ces personnes; on aime bien ceux qui nous sont éloignés, loin de toute promiscuité.
Chacun étant fier de ses origines, coutumes, façon de vivre, il est difficile d’y renoncer pour accepter volontairement et sereinement de se fondre anonymement dans l’ensemble que constitue la société d’accueil. La tentation ou tentative de s’imposer et d’en imposer me semble plus caractéristique de l’humain; d’où la confrontation, avec ses toutes ses inepties.
Ceci ouvre une fenêtre sur l’immigration et les critères de sélection déterminés au terme de prérequis essentiels; débat qui relève de la volonté politique des élus et qui aussi est tributaire de la définition de « nation » que l’on adopte. Évidemment lorsque l’organe décisionnel est bicéphale, alors il y a choc.
Sans trop tomber dans la facilité, il me semble obvis que cette volonté diffère si l’on est d’allégeance fédéraliste plutôt que souverainiste et là encore la notion de société québécoise retenue influence encore tant le débat que sa conclusion.
Multiculturalisme et nationalisme ne font pas bon ménage car ils s’opposent forcément; surtout en contexte de minorité.
L’exemple de la France semble également démontrer que, même en contexte de majorité, on en arrive à la même conclusion déplorable.
L’exemple des USA est, semble-t-il, différent car il y a un dénominateur minimal commun qui prédomine, du moins jusqu’à maintenant, et c’est la langue qui, avec le patriotisme, fait en sorte qu’il y a un ciment qui réussit à joindre les différentes tendances; ceci est absent au Canada, je parle du patriotisme partagé par tous évidemment; il me semble que cela l’est davantage au Québec.
Les Canadiens ne sont pas fiers de leur pays comme le sont les Américains et ce, malgré leurs différences marquées au plan politique et ou religieux notamment. Mais il y a le grand rêve américain alors qu’il n’y a pas de grand rêve canadien. Que dire du grand rêve québécois? Existe-t-il vraiment? Est-il partagé par la grande majorité des Québécois? Est-il rassembleur ou diviseur?
La notion d’intégration ou de nationalisme est de son côté plus enveloppante mais au détriment de l’identité originelle. Est-elle aussi particulière que la notion de multiculturalisme? Est-elle plus sécurisante? Est-elle gage d’harmonie entre les individus? Car. dans ce cas. il est difficile de parler de sauvegarde de ses racines et de sa culture.
Avec la notion de multiculturalisme. il n’y a aucun groupe, fut-il majoritaire, qui doit prédominer et c’est ici qu’entre en jeu la notion de l’accommodement raisonnable.
Dans les faits, accommodement est synonyme de modus vivendi, de « give and take »; il s’agit d’une notion d’adaptation perpétuelle de type « sui generis », de contre-force, de négociations constantes qui exclut toute constance sauf celle basée sur le principe du changement perpétuel; est-ce l’équivalent de l’instabilité perpétuelle? De la remise en question constante? De la perte de son identité propre, originelle?
Ceci nécessite obligatoirement une bonne foi totale des protagonistes qui doivent faire plus que preuve d’un détachement, d’un dénuement et d’un renoncement à tout et qui aboutit à une édulcoration des fondements même de la société dont la devise devient « Changement, gage de paix ».
Évidemment, la naïveté benoîte sous-tend cette notion de « tout le monde yé gentil, tout le monde yé bo »; du moins me semble t-il. Un exemple nous en fut donné par Chamberlain lors de ses soi-disant négociations avec les Nazis avant le déclenchement de la seconde guerre mondiale! Exemple extrême, je l’admets, mais significatif quand même.
On pourra objecter, avec raison d’ailleurs, que la notion d’accommodement raisonnable est une notion de droit et ne reçoit application des tribunaux que seulement et seulement si un droit ou une liberté enchâssé dans la Charte est mis en péril sans justification raisonnable.
On en a eu un bel exemple dans l’affaire du kirpan. La Cour d’appel du Québec à l’unanimité refusant tout accommodement et la Cour suprême du Canada renversant l’opinion de la Cour d’appel et niant ainsi son analyse.
La présente ébauche donne sans doute ouverture à une réflexion plus pointue; c’est ce que j’espère.
Denis Sauvé
Multiculturalisne, nationalisme et accommodement raisonnable
Par Denis Sauvé
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