Montréal payait ses chantiers d'égouts et aqueducs jusqu'à 85% plus cher, principalement en raison de sa propre négligence, révèle une série d'études gardées secrètes par la Ville, mais présentées aujourd'hui à la commission Charbonneau. Les «décideurs» Robert Marcil et Claude Léger devront venir s'expliquer cette semaine sur leur réaction tardive aux nombreuses sonnettes d'alarme tirées depuis 1997.
La Commission a entendu ce matin le témoignage de l'enquêteur Guy Desrosiers sur les différentes études faites par la Ville de Montréal depuis 1997 sur les prix des chantiers. L'enquêteur est à démontrer que la haute direction de Montréal était au courant pour le gonflement du coût des travaux, mais qu'ils ont gardé l'information secrète, ne rendant pas publics tous ces documents. «Les problèmes ont persisté malgré les avertissements répétés», a constaté l'enquêteur Desrosiers.
La révision des études faite par Desrosiers permet de constater que Montréal payait jusqu'à 85,5% plus cher que les villes de banlieue, comme Longueuil. Les deux tiers de cette facture seraient directement reliés aux pratiques de la Ville. Montréal exigeait notamment que les prix des chantiers soient établis en fonction de conditions hivernales, même si les travaux se déroulaient en été. Des travaux hivernaux sont beaucoup plus coûteux en raison des mesures supplémentaires à prendre pour protéger les chantiers des intempéries. La concentration des compagnies de construction et leur faible nombre étaient responsables d'une hausse de 22,5% des prix.
Le témoignage de Desrosiers doit prendre fin sous peu, si bien que l'ex-directeur des travaux publics, Robert Marcil pourrait être entendu dès ce matin.
Claude Léger à la barre
La procureure Claudine Roy a également révélé ce matin que Claude Léger serait appelé à la barre. L'homme avait perdu son poste en 2009 dans la foulée du scandale des compteurs d'eau. Il travaille aujourd'hui chez Macogep, firme chargée d'estimer le coût des projets à la Ville de Montréal.
Robert Marcil avait lui aussi dû démissionner en 2009 après le déclenchement d'une enquête interne sur sa participation à un voyage en Italie aux frais d'un entrepreneur en construction, Giuseppe Borsellino.
Ce que huit témoins ont déclaré au sujet de Robert Marcil
Huit témoins ont témoigné du rôle de l'ex-directeur des travaux publics dans le partage des contrats. Témoignage le plus compromettant, l'ingénieur Michel Lalonde, qui a reconnu avoir été le responsable de la collusion entre les firmes de génie à Montréal, a affirmé avoir fait le partage de certains contrats en présence de Robert Marcil. Le président de Génius dit lui avoir offert une fois un pot-de-vin, de 2000$, mais que le responsable du financement d'Union Montréal, Bernard Trépanier «s'occupait de le récompenser» habituellement.
Les fonctionnaires Gilles Surprenant et Luc Leclerc, qui ont admis avoir été corrompus, ont affirmé que leur ancien patron était très près de l'entrepreneur Nicolo Milioto.
Un autre entrepreneur, Michel Leclerc a quant à lui affirmé devant la Commission que Robert Marcil lui avait promis 180 000$ en faux extras s'il baissait le prix d'une soumission, afin de s'assurer que le projet soit accepté par les élus. Il a également affirmé avoir souvent croisé l'ex-directeur des travaux publics au restaurant en compagnie de l'entrepreneur Nicolo Milioto.
Un vendeur de tuyaux d'aqueducs, Michel Cadotte, a affirmé pour sa part que Robert Marcil s'était soudainement intéressé à ses produits en 2006 au moment même où Nicolo Milioto avait cherché un nouveau fournisseur. Cet intérêt a disparu tout aussi soudainement quand Cadotte a refusé de payer un pot-de-vin de 150 000$ pour trois fonctionnaires, à la demande de l'entrepreneur.
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Le festival des trous de mémoire
1839 Nombre de fois où un témoin a répondu par «je ne sais pas» ou «je ne me souviens pas» depuis le début de la commission Charbonneau, en français comme en anglais.
553 À lui seul, l'entrepreneur Nicolo Milioto a souffert du tiers des trous de mémoire enregistrés lors des séances de la Commission.
253 Un autre entrepreneur, Giuseppe Borsellino, arrive au deuxième rang avec les difficultés avec sa mémoire. Fait à souligner, l'homme qui alternait entre le français et l'anglais durant son témoignage a souffert de davantage de problèmes lorsqu'il s'exprimait dans la langue de Molière (171) que dans celle de Shakespeare (82).
209 Étonnement, la troisième place des trous de mémoire revient à l'ex-fonctionnaire Gilles Surprenant qui a admis avoir empoché plus de 600 000$ en pots-de-vin.
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