Madame Stéphanie Vallée, ministre de la Justice du Québec
Monsieur Martin Coiteux, ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du Territoire
Madame Valérie Plante, mairesse, Ville de Montréal,
Pour tous les États et nations de ce monde, le drapeau représente un symbole de haute importance. Partout, des règles d’utilisation ont été décrétées à l’intention des organismes et institutions publiques qui relèvent de leur juridiction. Le Québec n’y fait pas exception. Or, en cette matière, il semble que Montréal se place en situation de rupture avec les façons de faire promulguées par le gouvernement du Québec. En évacuant le drapeau du Québec des rencontres officielles et médiatisées impliquant un premier ministre canadien ou tout autre chef d’État, non seulement renie-t-on l’affiliation de la Métropole au Québec, mais on s’octroie un statut qui n’est pas le sien. Une telle façon de faire est contraire à la réalité constitutionnelle du Québec. Il semble bien que Toronto ne s’en permette pas autant.
Le drapeau est l’un des plus puissants moyens de communication politique. Sa grande efficacité tient au fait que, par simple effet visuel, il peut synthétiser une réalité, cristalliser avec force une idée. À plus forte raison, lorsqu’arboré par une institution publique, il faut s’en tenir à la réalité politique ou constitutionnelle et éviter de se mettre en porte-à-faux: retirer un drapeau est une opération aussi lourde de signification que le fait d’en installer un là où il ne faut pas. C’est donc dans le but d’éviter le plus possible les imbroglios politiques ou les accrocs diplomatiques que de telles règles ont été décrétées.
Cette pratique adoptée par l’administration montréalaise doit être corrigée. Premièrement : ce qui est communément dénommé «drapeau de Montréal» est au sens de la loi du Québec, une «bannière». Il ne s’agit donc pas ici d’un simple détail de sémantique. L’article 1 du Règlement sur le drapeau (D-12.1, r. 2) déclare qu’« à titre d’emblème national, le drapeau du Québec doit être déployé de façon officielle par une institution publique ou un établissement relevant de l’Administration gouvernementale afin d’identifier son appartenance à cette dernière». L’article 4 vient préciser ce principe en ordonnant que le drapeau du Québec soit déployé non seulement sur l’édifice où siège le conseil d’une municipalité, mais aussi « en tout lieu où cette dernière déploie sa bannière ». Ces dispositions ont préséance sur toute réglementation ou pratique municipale.
Le statut de métropole accordé à Montréal par l’adoption de la Loi 121, est loin, très loin de lui conférer un statut de «Cité-État», auquel certains ont rêvé. Ses pouvoirs sont demeurés contenus dans les seules limites de «ceux que le gouvernement du Québec lui délègue». Montréal n’est pas Hong Kong, ni Dubaï, elle ne peut donc délibérément propager l’illusion qu’elle a la capacité de traiter d’égal à égal avec un État constitué.
On ne saurait nier que dans certains cercles, on voudrait sortir Montréal du Québec. Un des objectifs fut d’abord de porter un coup durable à ce statut constitutionnalisé d’administrations déléguées qui constitue la pierre d’assise de notre régime municipal. L’ex-maire et ex-ministre fédéral Denis Coderre fut un des partisans d’un amendement constitutionnel à cette fin. Le gouvernement du Québec a dit non à une telle proposition.
Monsieur Coderre a également été le premier à soutenir cette idée de «Cité-État» pour sa ville, c’est-à-dire un espace géographique contrôlé de façon quasi exclusive par son conseil municipal, donc possédant sa propre souveraineté. Espère-on pouvoir un jour échapper aux politiques linguistiques et d’immigrations du Québec? Une façon de se démarquer ou se désaffilier du reste des régions? On peut déjà observer que de plus en plus de Montréalais ne s’identifient plus au Québec en se disant «uniquement Montréalais».
Le gouvernement du Québec a une obligation de réunification et promotion d’unité à ce chapitre.
En vertu du Décret 29-2016, vous êtes, la ministre chargée de l’application de la Loi sur le drapeau et emblèmes du Québec et de son règlement. C’est à ce titre qu’il vous est demandé de voir à ce que la ville de Montréal, à l’instar des institutions et organismes publics visés par le Règlement sur le drapeau du Québec, se conforme aux dispositions promulguées à cette fin.
Vous remerciant de votre attention, je vous prie, madame la Ministre d’agréer l’expression de mes sentiments distingués.
Pierre-Paul Sénéchal
Ex-conseiller, gouvernement du Québec
Rencontre officielle entre le maire de Toronto et le Premier ministre Trudeau. Le drapeau de l’Ontario accompagne la bannière municipale.