Il faut permettre la hausse des droits de scolarité, mais exiger qu'elle s'accompagne d'un programme d'aide financière correspondant, financé à même cette hausse
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Le débat qui se profile autour de l'affaire du MBA de McGill a eu lieu en Ontario il y a quelques années, lorsque le gouvernement ontarien a entrepris d'éliminer le plafond sur les droits de scolarité des études universitaires supérieures menant à des diplômes professionnels. J'étais alors vice-doyenne de la Faculté de droit de l'Université de Toronto, laquelle avait aussitôt entrepris de hausser substantiellement, quoique graduellement, ses droits de scolarité (de 2000 à 22 000 $ par année en quinze ans.)
En Ontario, comme dans les autres provinces canadiennes et, contrairement à la situation générale au Québec, le diplôme en droit est un diplôme universitaire de second cycle, obtenu subséquemment au baccalauréat, donc un diplôme «professionnel» proprement dit.
Bon investissement
Il faut d'abord comprendre ceci: des droits de 30 000 $ pour l'obtention d'un MBA n'ont rien d'exorbitant étant donné la valeur qu'un tel diplôme confère à son détenteur. D'un point de vue strictement financier, il s'agit d'un très bon investissement pour l'étudiant. En outre, les universités québécoises ont désespérément besoin d'argent. Aux prises avec une concurrence internationale féroce, le sur-place ne suffit plus: pour rester dans la course à l'excellence, les universités québécoises devront, comme toute autre institution à rayonnement international, améliorer leurs services, donc trouver l'argent pour le faire.
La seule vraie question est donc de savoir d'où cet argent doit provenir: des contribuables ou de ceux qui seront les premiers à en bénéficier, les étudiants?
Accessibilité
Le gel des droits de scolarité est certes bien intentionné, puisqu'il vise à assurer l'accessibilité aux études. Mais le moyen est mal adapté à la fin recherchée. L'accessibilité aux études ne requiert pas que TOUS les étudiants, y compris les mieux nantis, n'aient à payer qu'une fraction de ce qu'il en coûte pour les former.
Elle requiert seulement que soient subventionnés les étudiants qui ne pourraient pas l'être autrement. Subventionner les études de tous les étudiants, peu importe leurs moyens financiers, revient à exiger que des moins bien nantis paient pour les études de mieux nantis qu'eux-mêmes. Pire encore, il s'agit ici de subventionner non pas n'importe quel étudiant bien nanti, mais bien celui ou celle qui est en voie d'obtenir un diplôme particulièrement lucratif à long terme. C'est le monde à l'envers: les pauvres doivent subventionner les riches (présents ou en devenir).
Choix de carrière
Pour éviter cette situation tout en maintenant l'accessibilité aux études, il faut plutôt permettre la hausse des droits de scolarité, mais exiger qu'elle s'accompagne d'un programme d'aide financière correspondant, financé à même cette hausse. La Faculté de droit de l'Université de Toronto a ainsi décidé que 30 % des droits de scolarité recueillis grâce aux hausses seraient consacrés à l'aide financière (bourses ou prêts, selon le cas) de ceux de ses étudiants qui seraient incapables d'assumer ces frais.
Mais les droits de scolarité élevés présentent un second problème, lequel n'est pas davantage réglé par un gel des droits de scolarité. C'est celui de l'incitatif néfaste créé par la dette en ce qui concerne le choix de carrière post-diplôme. La faculté torontoise s'est en effet inquiétée de ce que la dette croissante de ses étudiants pourrait les pousser à choisir systématiquement des postes leur permettant de rembourser cette dette et donc de délaisser des postes moins lucratifs, mais tout aussi utiles socialement.
Un diplômé en droit qui envisagerait de se consacrer à la défense des droits de la personne, par exemple, pourrait néanmoins décider de se diriger vers le droit commercial puisque seule cette nouvelle direction lui permettrait de rembourser sa dette. Pour remédier à ce problème, il a été décidé d'inclure au programme d'aide financière une mesure selon laquelle l'obligation de remboursement des étudiants doit être adaptée à leur situation d'emploi post-diplôme. À boulot payant, obligation de remboursement onéreuse; à boulot moins payant, obligation de remboursement moins onéreuse, voire même inexistante dans certains cas.
Autofinancement
En somme, il s'agit de faire en sorte qu'un groupe financièrement privilégié pour la plupart — les avocats, gens d'affaires, dentistes, et autres professionnels — s'autofinance en ce qui concerne les études universitaires de second cycle. On est ici très loin d'un financement privé des universités: il s'agit simplement de faire en sorte que ceux qui bénéficient directement de ces diplômes contribuent avant les autres.
Le suivi qui fut fait dans les années qui ont succédé à la mise en place du programme torontois révèle en effet que c'est ce qui est en train de s'y passer, et ce, avec peu ou pas d'effets secondaires dommageables sur l'accessibilité et le choix de carrière. En ce qui concerne l'accessibilité, il semblerait même que le nombre d'étudiants exempts de tous droits de scolarité serait plus élevé aujourd'hui qu'aux premiers jours du programme.
Enfin, il convient de mentionner deux faits particulièrement révélateurs en ce qui concerne le bien-fondé de ce programme. D'abord, ce programme fut mis en place suite à une longue période de consultation des différents groupes d'intervenants, dont les étudiants, au départ farouchement opposés au projet. Ceux-ci se sont néanmoins ralliés sans peine dès lors que l'ensemble du programme leur fut exposé. Ensuite, alors que l'instauration de ce programme fut d'abord vertement critiquée de l'extérieur, notamment par les autres facultés de droit ontariennes, celles-ci n'ont pas hésité à faire de même dans les mois qui ont suivi.
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Catherine Valcke - Professeure à la Faculté de droit de l'Université de Toronto
MBA à McGill - Les leçons de l'expérience ontarienne
La seule vraie question est donc de savoir d'où cet argent doit provenir: des contribuables ou de ceux qui seront les premiers à en bénéficier, les étudiants?
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