PARIS — S’il est bien une chose qui chatouille l’orgueil d’un Français, c’est qu’un Anglais vienne lui voler la vedette. Mais devant la valeur du courage, même le Français le plus fier ne peut que s’incliner : il ne lui reste qu’à tirer son chapeau. Et c’est bel et bien un acte de courage que la décision que vient de prendre le peuple britannique, le courage de ceux qui assument leur liberté.
Le Brexit l’a emporté, déjouant tous les pronostics. Le Royaume-Uni a décidé de larguer les amarres de l’Union européenne et de reprendre son indépendance parmi les nations du monde. On disait que l’élection se jouerait sur le seul terrain économique, et pourtant les Britanniques ont compris le véritable enjeu du référendum avec plus de perspicacité qu’on veut bien l’admettre.
Ils ont compris que derrière le cours de la livre sterling et derrière les débats d’experts financiers, une seule vraie question était posée, à la fois simple et fondamentale : voulons-nous laisser un pouvoir non démocratique régenter nos vies ou préférons-nous reprendre notre destin en main ? Le Brexit est avant tout une question politique. C’est le choix libre d’un peuple décidant de se gouverner par lui-même. Même mise en valeur par toute la propagande du monde, une cage n’en reste pas moins une cage, et elle est insupportable à l’homme épris de liberté.
L’Union européenne est devenue la prison des peuples. Chacune des 28 nations qui la composent s’est vue progressivement privée de ses prérogatives démocratiques par des commissions et des conseils sans aucune représentation populaire. Chaque pays doit appliquer des lois qu’il n’a pas voulues ; il ne décide plus de son propre budget ; il est sommé d’ouvrir ses frontières contre sa volonté. La situation des pays de la zone euro est encore moins enviable. Par idéologie, on force des économies différentes à adopter une même monnaie, quitte à les saigner à blanc : version revisitée du lit de Procuste. Les peuples n’ont plus voix au chapitre.
Et le Parlement européen, me dira-t-on ? Il n’est démocratique qu’en apparence, car il est fondé sur un mensonge : faire croire qu’il existe un peuple européen homogène, et qu’un député polonais aurait la légitimité de voter une loi pour le peuple espagnol. On a voulu nier l’existence des nations. Il est naturel qu’elles ne veuillent pas se laisser faire.
Le Brexit ne fut pas le premier cri de révolte des peuples européens. En 2005, la France et les Pays-Bas ont organisé un référendum sur le projet de Constitution européenne : l’opposition fut massive dans les deux cas, et les autres gouvernements décidèrent de cesser net l’expérience pour éviter la contagion. Quelques années plus tard, la constitution européenne était imposée aux peuples sous le nom de traité de Lisbonne. En 2008, l’Irlande refusait elle aussi par référendum d’appliquer ce traité. On balaya une nouvelle fois d’un revers de main cette décision populaire.
Quand la Grèce décida par référendum en 2015 de refuser le plan d’austérité de Bruxelles, la réaction antidémocratique de l’Union européenne n’étonna plus personne : nier la volonté des peuples était devenu pour elle une habitude. Le président de la Commission européenne, Monsieur Jean-Claude Juncker, eut à cette occasion un éclair de franchise lorsqu’il déclara sans honte : “Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens”.
Si le Brexit ne fut pas le premier cri d’espoir, il se pourrait néanmoins qu’il soit la première vraie victoire des peuples. Les Britanniques ont mis l’Union européenne devant un dilemme dont elle va avoir du mal à sortir. Soit elle décide de laisser tranquillement le Royaume-Uni prendre le large, et alors elle court le risque de créer un précédent : la réussite politique et économique d’un pays sorti de l’Union européenne serait une preuve manifeste de son caractère néfaste. Soit, mauvaise perdante, elle décide de faire payer le peuple britannique par tous les moyens, et alors elle montre au grand jour la nature tyrannique de son pouvoir. Le bon sens incline à choisir la première option. Je pressens que l’Union européenne choisira la seconde.
Une chose est certaine : le départ de la Grande Bretagne ne rendra pas l’Union européenne plus démocratique. La structure hiérarchique des institutions supranationales va souhaiter se renforcer car comme toutes les idéologies mourantes, l’Union européenne ne connaît que la fuite en avant. Les rôles sont déjà connus : c’est l’Allemagne qui mènera la danse, et la France sera bonne suivante.
Signe des temps qui courent : Messieurs François Hollande, Matteo Renzi et Mariano Rajoy vont aujourd’hui directement prendre leurs ordres chez Madame Angela Merkel, sans passer par la case Bruxelles. La remarque de Henry Kissinger, “Who do I call if I want to call Europe?” a maintenant une réponse claire : il faut appeler Berlin. Il ne reste alors plus qu’une alternative aux peuples européens : rester pieds et poings liés dans une union qui trahit les intérêts nationaux et la souveraineté populaire, ouvre grand nos pays à l’immigration massive et à la finance arrogante, ou décider de retrouver leur liberté par le vote.
Des appels au référendum résonnent aux quatre coins du continent. J’ai moi-même proposé au président Hollande d’organiser une telle consultation populaire en France, ce qu’il n’a pas manqué de refuser. Le destin de l’Union européenne ressemble de plus en plus à celui de l’Union soviétique, qui est morte de ses propres contradictions.
Le printemps des peuples est maintenant inévitable ! La seule question qui reste à poser est celle de savoir si l’Europe est prête à se défaire d’elle-même de ses illusions ou si le retour à la raison se fera dans la douleur. Pour ma part, le choix est fait depuis longtemps : j’ai choisi la France, j’ai choisi les nations souveraines, j’ai choisi la liberté.
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