Disons-le, personne ne s’y attendait. Personne n’imaginait la foule des grands jours de la Manif pour tous capable de se remobiliser, en tout cas pas dans ces proportions : l’usure du combat, le mépris, la brutalité et l’injustice patente avec lesquels elle avait été traitée en 2013 – Emmanuel Macron ne reconnaissait-il pas lui-même qu’elle avait été humiliée ? – et puis surtout le sentiment las et résigné que tout est déjà plié, acté…
Non, personne ne s’y attendait, ni manifestants venus par devoir, ni organisateurs ravis et éberlués, ni opposants, dont les commentaires dépités et acides grincent sur les réseaux sociaux, ni surtout préfecture de police, si l’on en croit l’itinéraire sous-dimensionné aux artères trop étroites et saturées, qui a forcé, après quelques cafouillages – dont l’ordre de rebrousser chemin ! -, à aiguiller dans un parcours de délestage une partie des manifestants, encore bloqués et serrés autour du Sénat alors que la tête de cortège arrivait à Montparnasse.
Les organisateurs revendiquent 600.000 manifestants, chiffre sans doute (c’est la loi du genre) un peu surévalué. Occurrence, un « cabinet de comptage indépendant » – l’est-il réellement ? Au vu des tweets émanant de certains de ses dirigeants, on peut en douter -, donne le chiffre de 74.500… mais son calcul repose sur l’installation préalable, en hauteur, de capteurs sur le chemin de manifestation ! Quid, donc, du deuxième parcours, décidé à la hâte au vu de la saturation du premier ?
Mais au-delà de la guerre des chiffres demeure une réalité palpable qui a fait l’unanimité sur le terrain : journalistes, policiers et manifestants présents ont constaté une affluence supérieure à la première Manif pour tous, laissant imaginer ce que pourrait être une montée en puissance, au fil des mois, du mouvement désormais regonflé d’espoir par ce premier succès, puisque déjà de nouvelles dates de rassemblement ont été données.
Bien sûr, les atouts et les faiblesses demeurent.
Faiblesse d’une France bien élevée qui ne fait pas peur, que l’on ne redoute en rien parce qu’elle n’est pas prête à tout. La fin, pour elle, ne justifie pas les moyens, et elle n’est pas agressive, elle est donc – c’est son honneur, et sur un plan cyniquement stratégique son erreur – inoffensive. Rien, bien sûr, n’a été cassé. Aucun débordement n’a été constaté. Des groupuscules provocateurs porteurs de rainbow flag ont arpenté et harangué le cortège sans réussir à s’attirer le moindre quolibet. Il serait intéressant de faire la même expérience avec un porteur de drapeau LMPT à la Gay Pride… si l’on trouve un kamikaze assez fou pour le tenter. Elle n’est pas la France du Grand Soir qui fait la révolution, elle est la France du Petit Matin qui ne connaît que la (re)construction. Alors, évidemment, la manifestation n’est pas son terrain de prédilection.
Atout d’une France bien élevée forte de sa jeunesse que l’on retrouve une nouvelle fois très nombreuse, structurée, gaie, endurante, aimant la vie et les amis qu’elle se plaît à retrouver ici et, parce que c’est de son âge, attirée par ce parfum de transgression dont, par un retournement des valeurs, ces manifestations dites conservatrices sont devenues porteuses.
Gagnera, gagnera pas ? L’avenir le dira. En tout cas, la PMA ne passera pas si simplement que ça.