Je ne suis pas un supporteur inconditionnel de Jean-François Lisée mais sa prise de position à l’encontre des baisses d’impôt me paraît un évènement majeur. C’est une position très risquée et courageuse de la part d’un politicien qui a tout misé sur la prise du pouvoir à la prochaine élection. Dans une démocratie qui fonctionne bien, comptant sur des citoyens bien informés, la majorité exigerait le rétablissement de services de qualité et s’opposerait aux baisses d’impôt. Les données comptables sont claires, les baisses d’impôt accompagnées nécessairement d’une dégradation des services publics, ne profitent qu’à une minorité. Ce n’est pas sans raison que les politiciens libéraux ont refusé depuis longtemps d’exposer ouvertement leur programme de démantèlement du rôle de l’État dans la redistribution de la richesse.
Les gouvernements libéraux ont agi sournoisement avec la complicité d’une grande partie de l’élite et celle des analystes spécialisés qui comprenaient très bien ce qui se passait et qui voyaient d’un bon œil qu’on ne leur demande plus de financer des services publics pour des gens qui ne paient aucun ou peu d’impôt. C’était très clair depuis la crise de 2008 que les gouvernements libéraux coupaient dans les dépenses courantes beaucoup plus qu’il n’était nécessaire pour revenir à l’équilibre budgétaire. Je l’ai écrit souvent, même sans avoir accès aux données détaillées, et les prévisionnistes du ministère des Finances savaient très bien que des surplus énormes apparaîtraient soudainement. Le gouvernement pourrait prétendre qu’ils ont misé sur la prudence mais pourquoi alors ne pas réinvestir en services les milliards qui ont été coupés en trop plutôt que d’annoncer quelques millions de dollars ici et là pour jeter de la poudre aux yeux.
Lisée s’en va en guerre contre une meute d’individualistes alléchés par des baisses d’impôt. Il ne s’est gardé qu’une seule issue, soit de convaincre la majorité que les baisses d’impôt et la réduction des services publics ne sont pas dans leur intérêt personnel ni dans celui de la collectivité. Il ne suffira pas de bien informer les Québécois. Il faudra aussi combattre la gêne que ressentent les Québécois modestes à faire payer les mieux nantis pour leur bien-être. Ils ne comprennent pas toujours que c’est le système social qui fait qu’une heure de travail de certains, dont plusieurs payés par l‘État ou par des entreprises subventionnées par l’État, vaille dix ou vingt fois plus de dollars qu’une heure de leur travail. Malgré tout ce qu’on nous raconte sur le contexte économique difficile, les revenus totaux ont continué à augmenter plus rapidement que la population québécoise au cours des dernières décennies, mais une part de plus en plus grande de ces revenus est accaparée par une minorité et la pression sur les budgets de l’État vient du fait que la part des revenus payés en impôts ne cesse de décroître. Si Lisée ne réussit pas, si le virage néolibéral se poursuit, une prise de conscience pourrait bientôt pousser les foules à la rue. En raison des baisses d’impôt et des coupures dans les transferts fédéraux, le Québec se retrouvera à nouveau coincé dans son budget et de nouvelles compressions sont à prévoir.
Dans son combat Lisée n’est pas à la remorque de Québec solidaire. Il ne s’agit pas de rechercher un impossible rapprochement avec QS mais ce virage pourrait ramener au PQ des sympathisants de QS. Le chef du parti Québécois devra sûrement affronter une opposition à l’intérieur du parti, de la part de certains membres intéressés par les baisses d’impôt, d’autres qui craindront un échec électoral et d’autres encore qui invoqueront que l’indépendance n’est ni à gauche ni à droite. Ces derniers devraient réaliser que l’affrontement modéré entre la gauche et la droite dans le cadre de l’équilibre social issu de la révolution tranquille est chose du passé. On assiste au Québec et ailleurs à une prise de contrôle antidémocratique des gouvernements par les forces de droite menées par l’establishment financier. Dans le cadre de ce projet mondialiste, une lutte pour l’indépendance nationale est difficile à promouvoir et certainement vouée à l’échec.
Dans ce dossier majeur Lisée prend parti pour la démocratie et choisit comme clientèle politique la majorité. Ce sera aussi la seule façon de faire l’indépendance. Pour gouverner, et détruire les réalisations passées, il suffit de 35% du vote. Pour faire l’indépendance il en faudra 50%.
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2 commentaires
Archives de Vigile Répondre
13 mars 2017Finalement, Gilles Duceppe s'est pas fait prier pour embarquer dans la galère radio-canadienne.
L'effet GND : 2000 nouveaux membres à Québec solidaire
http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1021919/gabriel-nadeau-dubois-croissance-quebec-solidaire?isAutoPlay=1
Archives de Vigile Répondre
12 mars 2017Propagande même pas subtile à RDI
Parlant de QS, j'ai cru naïvement que Radio-Canada RDI opterait pour une couverture non biaisée pour l'entrée en scène de GND.
Et bien non, dans un reportage, on a sorti des archives des images de Gilles Duceppe à ses débuts comme jeune chef du Bloc Québécois gravissant un à un les échelons avec seulement quelques députés à Ottawa jusqu'à l'apothéose . Je me demande comment il a réagit en voyant qu'on se servait de lui pour mousser Québec solidaire. Je l'ignore...