Les trois leçons du second tour

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Un avant-goût pour les présidentielles

Les élections régionales qui viennent d’avoir lieu ont constitué une nouvelle étape dans l’évolution de la crise politique en France.
Le second tour qui s'est tenu le dimanche 13 décembre a ainsi confirmé un certain nombre des leçons que l'on pouvait déjà discerner dans les résultats du premier tour. Il montre la transformation de la vie politique en une forme de tripartisme. Bien entendu, ce tripartisme n'est qu'une apparence relative, car d'autres courants vont continuer à se manifester dans la vie politique française. Néanmoins, ce tripartisme va structurer dans une large mesure cette vie politique. Ce second tour confirme aussi que ces trois partis sont tous confrontés à des crises ou des dilemmes fondamentaux.
Victoire et crise chez les « Républicains »
Tout d'abord, cette élection marque une victoire pour les « Républicains », c'est à dire l'ex-UMP, qui était associé avec le centre (l'UDI). Mais, c'est une victoire courte. Cette victoire est évidente moins en nombre de régions (7 sur 13) en Métropole où les listes de la droite parlementaire ont connu le succès qu'en raison du poids démographiques de ces régions, qui représentent près des deux-tiers de la population française. Pourtant, il s'agit bien d'une victoire plus par défaut que par conviction. Dans deux régions, et non des moindres, le Nord-Picardie et la grande région PACA, les « Républicains » ne gagnent que du fait du retrait des listes « socialistes ». Il suffisait de voir le visage de Xavier Bertrand, et d'entendre son discours, pour mesurer toutes les limites de cette victoire.
Les listes du parti héritier de l'UMP et du centre sont très loin d'avoir infligé ce KO dont elles rêvaient aux « socialistes ». Ce résultat là va raviver les guerres des ambitions entre les prétendants à la succession de Nicolas Sarkozy, à commencer par lui-même et en y incluant Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire. Ces guerres seront d'autant plus inexpiables qu'elles se feront à l'intérieur d'un même programme.
Défaite et désastre idéologique au P « S »
Cette élection marque aussi une défaite pour ces « socialistes », défaite à laquelle vient s'ajouter un désastre idéologique. La défaite est claire. Non seulement les listes des « socialistes » et de leurs alliés, et parfois supplétifs, ne remportent que 5 régions représentant moins d'un tiers des français, mais la réduction du nombre de conseillers régionaux pèsera lourd dans les finances d'un parti qui devra impérativement réduire sa voilure. Mais, idéologiquement, c'est bien à un désastre que le P « S » est aujourd'hui confronté.
Son seul argument électoral a été de « battre le Front National ». Pour le reste, il reprend une bonne partie des thèmes de l'opposition, voire de ce même Front National, contre lequel il appelle dans le même temps à faire barrage. L'incohérence est ici poussée à son point le plus extrême quand un de ses candidats, Claude Bartolone pour ne pas le nommer, fait une déclaration ouvertement communautariste en plein meeting, parlant de « race blanche » à propos de son adversaire, Mme Valérie Pécresse. Notons que cela n'a pas semblé gêner Mme Cosse d'EELV ni M. Pierre Laurent, du PCF, qui étaient à la même tribune.
La P « S » n'a plus de projet dans le domaine économique, si ce n'est la poursuite de l'austérité, de l'ouverture à la mondialisation confirmée par le traité transatlantique ou TTIP et de la poursuite de la désindustrialisation. Il n'a plus de projet non plus dans bien d'autres domaines avec la destruction de l'école républicaine qu'il poursuit envers et contre tout, ou la fin des services publics dans une logique directement importée de Bruxelles. Il est ainsi cocasse, pour le moins, de voir ce parti faire voter une loi qui va tendre au remplacement des transports ferroviaires par des autobus, et en même temps s'enorgueillir du résultat de la COP-21. Les autobus, pour réduire l'empreinte carbone, il fallait y penser…
Le dilemme du Front National
Cette élection marque en apparence un échec pour le Front National qui, arrivé en tête au premier tour dans 6 régions de France métropolitaine, n'en conquiert aucune. C'est bien ainsi que les choses sont présentées dans la presse ce 14 décembre au matin. Il convient pourtant de modérer ce constat d'échec. Il cache des succès réels. En nombre de voix, le Front National a progressé de manière significative entre le 1er et le 2ème tour. Surtout, il va augmenter très sensiblement le nombre de ses conseillers régionaux (plus de 350) et bénéficier à la fois de la manne financière que cela représente et de l'enracinement qui en découle. Ce n'est pas rien, et il est surprenant que de nombreux commentateurs ne le mentionnent pas.
Cependant, et cela a déjà été écrit, ce 2ème tour confirme aussi ce qu'indiquait le 1er: le Front National n'arrive pas à rassembler autour de lui. Certes, il est le vainqueur du 1er tour, mais un vainqueur avec des réserves de voix très faibles. Cette situation le confronte à un problème majeur. Cela vient de l'ambiguïté qui a été cultivée dans sa ligne politique. Entre les discours des uns et des autres, ceux tenus à Hénin-Beaumont ou à Forbach et ceux tenus à Carpentras, il y a plus que des différences.
Le courant que l'on appelle « identitaire », et qui a été visible surtout dans la région PACA, s'il peut dans un premier temps gonfler les chiffres et conduire à des succès locaux, se révèlera à terme un obstacle insurmontable à toute logique de rassemblement. Ce discours, qui n'est clairement pas « républicains » en cela qu'il ne fait pas sien les principes de la République comme la laïcité et l'égalité, condamne dans le futur le Front National à connaître de nouvelles défaites dès qu'il lui faudra rassembler.
Entre être une force locale et être une force nationale, il devra choisir, et ce choix n'est pas sans difficultés. Le Front National devra aller au-delà du chemin qu'il a déjà parcouru, car il ne peut se contenter d'une simple « dédiabolisation ». Pour vaincre au niveau national, il faut aussi réunir dans ce cadre national. Cela implique de passer du stade d'un parti de dénonciation à celui d'un parti de propositions, et de la faire sans perdre la dynamique qui a été acquise dans la dénonciation d'un état de fait qui révolte une large partie des français. Pour le Front National aussi, c'est l'heure de l'examen de conscience et du choix de stratégie.


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