La première fois que j’ai rencontré Justin Trudeau, c’était il y a 10 ans. Il avait accepté mon invitation à assister au lancement du défunt magazine de déco Chocolat, à l’hôtel W. Son entrée fut aussi remarquée que celle d’un prince des mille et une nuits : il portait un salwar kameez blanc brodé de fil d’or.
Le salwar kameez, une longue tunique et un pantalon, est un vêtement unisexe commun au Pakistan et en Inde.
Je n’ai jamais pensé qu’il avait changé de nationalité ou de religion, mais plutôt que sa conception de l’élégance permettait la fantaisie.
De playboy à politicien
C’est aussi en 2008 qu’il a été élu pour la première fois député de Papineau, un comté pauvre et multiethnique.
Pour que tous les électeurs du comté se sentent représentés par un riche homme blanc, il a dû jouer d’ouverture, de disponibilité et de flirt culturel.
Personne ne s’en plaignait jusqu’à ce qu’il rende visite à une mosquée de Parc-Extension liée aux Frères musulmans. Son équipe a défendu cette décision au nom de l’ouverture, mais ses ennemis l’ont accusé d’électoralisme de bas étage ou, pire encore, de complicité.
Ce qui est ridicule, mais pour certains, détecter chez lui un biais pour l’islam est devenu un sport national.
Manque de jugement ?
La semaine dernière, le Toronto Sun notait que plusieurs de ses erreurs de jugement avaient un lien avec l’islam radical, sauf ses vacances chez l’Aga Khan, chef des musulmans ismaélites, des progressistes.
Par contre, sa volonté de réintégrer dans la société canadienne les djihadistes partis combattre avec l’État islamique, au lieu de les punir, a choqué plusieurs Canadiens, mais pas autant que les 10,5 millions de dollars versés à Omar Khadr, l’enfant-soldat emprisonné à Guantanamo.
Son refus de révoquer la citoyenneté canadienne aux détenteurs de double citoyenneté trouvés coupables de terrorisme est incompréhensible pour plusieurs.
Son soutien marqué au port du voile intégral pendant le serment de citoyenneté n’a jamais reçu non plus l’appui d’une majorité de Canadiens, pas plus que la motion M-103 contre l’islamophobie, qui accorde à l’islam un traitement préférentiel, puisque c’est la seule religion qui est nommée expressément.
Quoi comprendre ?
Le dernier scandale, mais non le moindre : cette rencontre, fin décembre, dans son bureau, avec Joshua Boyle, sa femme Caitlan Coleman et leurs enfants, deux mois après leur retour d’Afghanistan, où ils auraient été détenus pendant cinq ans par les talibans.
Le couple de convertis à l’islam dit s’être rendu en Afghanistan pour faire du travail humanitaire alors que Caitlan, une Américaine, était enceinte de sept mois. Ils auraient été enlevés à leur arrivée et libérés en octobre, ainsi que leurs trois enfants nés en captivité, par des troupes pakistanaises.
Incidemment, la première épouse de Joshua Boyle était Zaynab Khadr, la sœur d’Omar.
Quelques jours après sa rencontre avec le premier ministre, Joshua Boyle a été arrêté et accusé de voies de fait, d’agressions sexuelles et de séquestration. Sa rencontre avec Justin Trudeau demeure à ce jour incompréhensible.
Proposer une journée contre la haine et l’intolérance le 29 janvier, au lieu d’une Journée contre l’islamophobie, viendrait rétablir un équilibre qui fait défaut pour plusieurs.