Les Québécois ont dit non deux fois plutôt qu’une à la souveraineté du Québec. Après le non de 1980, ceux qui ont de la mémoire se souviennent que la vie a repris son cours et que quelques mois plus tard tout le monde faisait comme si.
Comme si rien ne s’était passé. On avait repris le train-train quotidien. Le Parti québécois de René Lévesque fut même reporté au pouvoir. C’était l’expression de la culpabilité des Québécois pour la gifle administrée à René Lévesque, ce héros mis en échec, qui a d’ailleurs amorcé ainsi sa lente agonie politique.
L’homme blessé, meurtri, épuisé ne fut plus que l’ombre de lui-même. Son cœur subit alors d’ultimes soubresauts et on peut croire qu’il mourut prématurément.
Et avec lui, d’autres porteurs de rêves disparurent de l’arène politique. Un film documentaire magistral de Denys Arcand, Le Confort et l’indifférence, sorti en 1981, résume bien cette période.
La défaite du second référendum fut particulièrement dramatique. À quelques dizaines de milliers de voix près, peut-on dire. La secousse fut tellurique cette fois. Le premier ministre Jacques Parizeau s’effondra le soir même de la défaite et sa démission quasi immédiate acheva le moral des souverainistes blessés.
Engourdissement
Depuis 1995 donc, la politique québécoise se banalisera en quelque sorte et on assistera à un engourdissement des convictions au profit chez plusieurs d’un désir fébrile de réussite personnelle.
C’est ainsi que la morale publique sera mise en veilleuse et que les ambitieux à la recherche d’enrichissement rapide se déploieront.
Chacun se replia sur ses désirs personnels et la mobilisation pour les grandes causes fut inversement proportionnelle à l’accumulation des biens personnels. Ce fut l’époque des libéraux décomplexés et sans états d’âme. Le Québec changea de peau et sa devise,
Je me souviens, se retrouvera dans les brocantes.
Le règne Couillard accentuera de façon radicale l’« indistinction » du Québec. Le premier ministre non seulement se mit en ménage avec
Ottawa, mais il couchera pour ainsi dire dans le lit canadien. Terminées les revendications du turbulent Québec, finies les demandes particulières. Québec-Canada un seul combat, pourrait-on dire.
Dure réalité
On ne s’affronte plus, le Québec s’en remet au gouvernement central et que la paix soit avec nous. C’est le climat qui a prévalu jusqu’à ce que le ciel tombe sur la tête du PLQ le 2 octobre dernier.
Et nous voici avec le gouvernement Legault et ses revendications dans la dure réalité, à savoir en train de quémander des droits et des privilèges à Justin Trudeau, sans doute le plus centralisateur de tous ses prédécesseurs, y compris son propre père.
Les Québécois découvrent soudain que le Québec risque d’être incapable d’appliquer une politique d’immigration qui tienne compte de ses besoins sans obtenir l’aval d’Ottawa. Justin Trudeau dira non, lui chez qui se déclenche une crise d’urticaire quand il entend le mot « nationalisme ». Le Québec ne pourra vraisemblablement pas adopter sa loi sur la laïcité telle que formulée par le gouvernement caquiste. Voilà la realpolitik actuelle.