Démissions au Parti québécois

Les règles du jeu

Pacte électoral - gauche et souverainiste



«Faire de la politique autrement» était, jusqu'à hier midi, l'expression du mois au Québec. Depuis le balayage néodémocrate du 2 mai dernier, et encore plus avec les démissions péquistes cette semaine, c'est ce qui, dit-on, arrivera à contrer le cynisme des citoyens. Pourtant, hier après-midi, c'est la politique politicienne qui a repris ses droits, à Québec comme à Ottawa.
Loin des appels à agir autrement, on a vu hier le plat triomphe des règles du jeu parlementaire. À Ottawa, le gouvernement Harper a décidé de ne tenir ni débat ni vote sur le discours du Trône, comme le veut la tradition. Mais comme les règles n'obligent pas un tel débat, les conservateurs ont décidé de s'en passer. Après tout, ils sont majoritaires, pourquoi donc revenir sur leurs projets! L'opposition, toute nouvelle et rafraîchie soit-elle, n'a pu rien faire d'autre que s'en désoler. L'autre façon de faire de la politique se butait ainsi à plus finaud que soi.
À Québec, les deux derniers jours ont été plus échevelés. Pourtant, c'est aussi le jeu parlementaire qui a eu le dernier mot: le gouvernement libéral a renvoyé à l'automne l'étude du projet de loi sur le controversé amphithéâtre de Québec parce qu'Amir Khadir a lui-même opté pour la stratégie classique de l'opposition: l'obstruction. Pour y couper court, les libéraux devaient soit imposer le bâillon, soit reporter les discussions.
Le premier ministre Charest, qui est une phénoménale bête politicienne, a su mesurer les tiraillements au sein de son parti, les grognements de la population, et bien sûr les incroyables déchirements du Parti québécois. Ces éléments de conjoncture mis bout à bout, il ne lui restait plus qu'à se montrer au-dessus de la mêlée. Pas question de «bousculer le Parlement», on rediscutera de tout cela à tête reposée, en septembre.
Pauline Marois, qui a, elle, bousculé son parti dans cette saga, a-t-elle pris bonne note du message? Non, ce n'est pas son incapacité de faire de la politique différemment qui a entraîné le PQ dans une telle déroute mais un manque d'instinct, celui qui permet à un Jean Charest de survivre à tout.
Il fallait être vraiment déconnecté du Québec hors Québec-du-maire-Labeaume pour ne pas avoir réalisé à quel point le projet de loi spécial sur l'amphithéâtre déplaisait aux électeurs, qui n'avaient plus qu'Amir Khadir pour faire passer leur grogne. Des députés l'ont compris, mais pas madame Marois, députée de Charlevoix. Et c'est sa propre tentative de faire de la politique autrement qui aura le plus nui!
Car jusqu'ici, on disait de madame Marois qu'elle était femme d'écoute. Pas du genre à taper sur la table ni à imposer. Du genre aussi à laisser amplement d'espace à ses députés: ainsi de Pierre Curzi sur la langue ou de Louise Beaudoin sur la laïcité. Combien de chefs de parti peuvent en dire autant? Quand elle a subitement décidé de faire preuve d'autorité, ce fut la surprise: ses collègues ne comprenaient ni le changement de ton, ni le choix du dossier.
On ne pardonne pas aux femmes d'exercer le pouvoir, a commenté hier une députée. C'est à voir: un Michael Ignatieff, très à l'écoute, fut aussi très contesté et n'a pas su gagner les élections. Ce qui est plutôt en cause ici, ce sont les attributs de l'autorité: comment l'exercer quand on est entouré de personnalités fortes, dans un parti d'idées? Ce problème, il faut le dire, n'a rien de nouveau. Il est inhérent à la vie politique. Et comme ce fut le cas de bien d'autres avant elle, c'est à sa manière de remonter en selle que nous verrons si madame Marois a vraiment l'étoffe d'un chef.


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