«C'est à se demander si nous ne sommes pas à nous retrouver à cette triste époque du XIXe siècle où les intérêts anglo-saxons, rois et maîtres en notre pays, nous procuraient pour notre bien-être, salaires de misère avant que la bienfaitrice action du mouvement syndical nous ait permis de nous émanciper d'un tel joug. Merci pour vos offrandes mais cette nation vaut beaucoup plus que vos pinottes.»
Qui a écrit ça? Pierre Bourgault? Non. Michel Chartrand? Non plus. Le cinéaste Pierre Falardeau? Pas davantage. C'est plutôt Pierre Karl Péladeau, favori dans la course à la direction du Parti québécois et actionnaire de contrôle de Québecor. On pourrait aussi se demander quand. Lorsqu'il était étudiant à Brébeuf? Pas du tout. Hier matin, sur sa page Facebook, dans un texte en appui à une manifestation contre les sables bitumineux.
Le défi qui attend M. Péladeau, ce n'est pas de convaincre les membres de son parti de le choisir comme chef. La victoire est dans sa poche s'il choisit de se présenter. Son défi, ce sera après, pour sortir le PQ de la marginalité où il s'enfonce. Sa sortie sur Facebook illustre pourquoi il aura du mal à relever ce défi.
Le sondage CROP publié hier dans La Presse+ montre que la candidature de M. Péladeau est la seule qui permettrait au PQ de faire des progrès. En effet, 28% des répondants ont déclaré qu'ils seraient «davantage portés à voter pour le PQ» s'il était le chef, bien plus que les autres candidats, qui ne pourraient attirer que 5%, 6% ou 7% d'électeurs. Mais le sondage dit aussi que 20% des répondants seraient moins portés à voter pour un PQ dirigé par M. Péladeau.
Cela révèle à quel point Pierre Karl Péladeau est un politicien qui polarise, au moment où le PQ aurait au contraire besoin d'un leader rassembleur. Ce n'est pas de ce genre de «deux pas en avant, un pas en arrière» dont le PQ a besoin pour sortir du marasme.
Le court texte que j'ai cité dénote chez M. Péladeau trois traits de caractère qui risquent de lui nuire. D'abord, le nationalisme intense et exacerbé dont on avait déjà les manifestations à son poing levé ou à ses références au rapatriement de la Constitution, qu'il décrivait comme un jour «funeste». Cette fois-ci, des références d'un autre âge aux Anglo-Saxons. Il pourra marquer des points chez les plus convaincus, peut-être polariser le débat entre partisans du Oui et du Non, mais avec 30% d'appui à la souveraineté, c'est un exercice dont le PQ sortirait perdant. Ce qui caractérise la société québécoise, c'est au contraire son refus de ce débat.
Ensuite, ce que l'on pourrait décrire comme une certaine confusion idéologique. On aura tous remarqué l'étonnante allusion à «la bienfaitrice action du mouvement syndical», qui semble être une autre contorsion du futur candidat pour amadouer la gauche syndicale du PQ, qui n'oubliera pas ses lock-out. Cela s'ajoute à une série de prises de position, comme son opposition à l'austérité libérale. Il semble commettre la même erreur que Mme Marois, qui s'est tellement enfermée dans une logique d'opposition et d'appui à toutes les causes qu'elle a été paralysée une fois au pouvoir.
Enfin, on voit dans ce texte l'intensité, les excès de langage qui dénotent une absence de filtre. Le simple fait d'affirmer que le gouvernement actuel nous ramène au XIXe siècle dénote un manque du sens de la mesure et de la nuance peu compatible avec les fonctions qu'il sollicite. M. Péladeau traîne déjà un boulet, Québecor. Ajoutons ce trait de personnalité qui va le mettre sans cesse dans l'embarras, assez pour rendre son cheminement politique difficile.
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