Le télévangéliste Pat Robertson s'attire les critiques

Haïti : la « malédiction » n’existe pas

L’Empire - l'instrumentalisation du religieux


Pat Robertson, à gauche, en compagnie de l'ex-secrétaire d'État américain Donald Rumsfeld, en 2005. Photo: archives Getty

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Richard Hétu, Collaboration spéciale - (NEW YORK) Le télévangéliste Pat Robertson a remporté la palme du mauvais goût aux États-Unis en attribuant les malheurs d'Haïti au «pacte avec le diable» qu'auraient conclu les esclaves de cette île, il y a deux siècles, afin de s'affranchir.
«Quelque chose s'est produit il y a longtemps en Haïti, et les gens préfèrent ne pas en parler», a-t-il déclaré mercredi lors de son émission à CBN (Christian Broadcast Network), une chaîne dont il est le fondateur. «Les esclaves étaient sous le joug des Français, de Napoléon III. Ils se sont réunis et ont conclu un pacte avec le diable. Ils ont dit: «Nous allons vous servir si vous nous libérez du joug français.» C'est une histoire véridique. Et le Diable a dit: «D'accord, marché conclu.»

«Et ils ont chassé les Français de l'île, a poursuivi Robertson. Les Haïtiens se sont révoltés et émancipés. Mais depuis ce temps, la malédiction s'acharne sur eux.»
Diffusée peu après sur l'internet, cette déclaration a valu au télévangéliste une avalanche de critiques auxquelles le porte-parole de CBN, Chris Roslan, a tenté de répondre dans un communiqué. Roslan y explique que les commentaires de Robertson avaient pour origine l'histoire de Dutty Boukman, qui ordonna le soulèvement d'un grand nombre d'esclaves après leur avoir fait boire, dans la nuit du 14 août 1791, le sang d'un cochon noir lors d'une cérémonie vaudou.
Mais les explications du porte-parole de CBN n'ont pas satisfait l'ambassadeur d'Haïti à Washington, Raymond Joseph. Invité à la chaîne MSNBC mercredi soir, il a tenu à rappeler que le soulèvement des esclaves de Saint-Domingue et leur victoire «contre la puissante armée française» en 1804 avaient permis aux États-Unis d'obtenir le territoire de la Louisiane pour une bouchée de pain, soit 15 millions de dollars.
«C'est trois cents l'acre, a dit l'ambassadeur Joseph. La révolte des esclaves haïtiens a fourni aux États-Unis 13 États à l'ouest du Mississippi. Le pacte que les Haïtiens ont conclu avec le diable a donc contribué à faire des États-Unis ce qu'ils sont devenus», a-t-il conclu sur un ton sarcastique.
Ce n'est pas la première fois que Pat Robertson soulève la controverse après une tragédie. Le 13 septembre 2001, il s'était notamment mis d'accord avec le télévangéliste Jerry Falwell pour attribuer les attentats contre le World Trade Center et le Pentagone aux Américains qui approuvent «l'avortement, l'homosexualité et la séparation de l'Église et de l'État».
Candidat à la Maison-Blanche en 1988, Pat Robertson continue à exercer une certaine influence aux États-Unis grâce à sa chaîne de télévision et à l'université qu'il a fondée en 1978 à Virginia Beach.

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Haïti: la « malédiction » n’existe pas

Louis Prefontaine
Combien de fois entend-on l’expression « malédiction » pour parler du sort d’Haïti? Comme si, à défaut de pouvoir considérer les vraies causes politiques, on préférait toujours s’en remettre à Dieu. Plus facile. Moins dangereux. Dieu, il ne rend pas de comptes, après tout. Dieu, on ne peut pas le réélire ou non après quatre ans. L’histoire récente d’Haïti est avant tout celle d’un pays dépossédé, brisé, un pays que des politiques économiques libérales ont démoli.
Ce n’est pas Dieu qui débarqua dans l’île en 1915 et l’occupa pendant vingt ans; ce sont des marines américains qui ont permis à Washington d’abolir l’article de la Constitution qui empêchait les étrangers de détenir des entreprises dans le pays. On expropria des milliers d’habitants, on créa de gigantesques plantations, on permit, grâce à une armée plus occupé à se battre contre son propre peuple qu’autre chose, à 1% de la population de posséder 50% des ressources du pays.
Ce n’est pas Dieu non plus qui appuya pendant des décennies la terrible dictature de Duvalier, plus occupé à s’enrichir qu’à construire un pays digne de ce nom. Ce sont la France et les États-Unis.
Ce n’est pas Dieu non plus qui renversa Aristide, en 2004, après que celui-ci ait de nouveau aboli l’armée (il l’avait fait dans les années 1990, mais avait été renversé par un coup d’État par la suite) et essayé de s’opposer aux privatisations et au contrôle externe du pays, mais bel et bien les États-Unis, le Canada et la France, qui le remplacèrent par un économiste néo-libéral, Gérard Latortue.
Ce n’est pas Dieu qui détruit ce pays; ce sont des Hommes de chair, des Hommes qui ont préféré s’en mettre plein les poches plutôt que de lutter contre la pauvreté, de valoriser un gouvernement central fort capable de faire appliquer des normes de logement plus strictes ou de lutter contre la déforestation responsable des pires calamités lors du passage d’ouragans.
De nombreux autres pays sont frappés par des catastrophes naturelles. Combien de fois Cuba a-t-il été touché par des ouragans aussi puissants que ceux qui ont frappé Haïti? Combien de fois le Japon a-t-il été victime de tremblements de terre aussi violents que celui qui frappé Haïti hier?
Ce n’est pas Dieu qui a détruit Haïti ; ce sont des Hommes. Ce n’est pas Dieu qui a protégé les autres pays ; ce sont des Hommes qui l’ont décidé ainsi.
Envoyer quelques dollars à Haïti, c’est bien, mais cela ne changera pas la façon dont fonctionne le système. Personne ne s’oppose à la charité, mais on ne bâtit pas une société avec celle-ci. On pourrait ensevelir Haïti sous mille milliards de millions de milliards de dollars que le problème ne se réglerait pas; Haïti, c’est la faillite d’un pays sans État central fort, corrompu jusqu’à la moelle et dépossédé de lui-même par des choix idéologiques décidés par des pays étrangers. Haïti, c’est le résultat d’une histoire catastrophique à laquelle on a ajouté la catastrophe de réformes économiques diluant le pouvoir de l’État et créant, de facto, un véritable paradis libertarien de la débrouille et du système « D » où l’absence de cohésion sociale est à l’origine des pires aberrations.
La meilleure façon d’aider les Haïtiens, ce n’est pas en leur envoyant de l’argent. C’est en réclamant la non-ingérence de chacun de nos gouvernements pour qu’enfin, une fois pour toutes, les haïtiens puissent être responsables à la fois de leur malheur ou de leur bonheur.
Pour qu’enfin, on cesse de blâmer Dieu et qu’on regarde ce que nous, les Hommes, pouvons faire pour ce pays détruit.
Et peut-être, aussi, qu’on se souvienne que nos gouvernements ont les mains tachées du sang des Haïtiens et qu’ils sont directement responsables, de par leur persistance à s’ingérer dans les affaires d’Haïti pour l’empêcher de se développer, de cette catastrophe innommable.
On peut ajouter encore ces dizaines de milliers de morts au tragique bilan du capitalisme sauvage; ils sont moins visibles que les victimes du « communisme », mais tout aussi décédés!
C’est peut-être aussi cela l’avantage d’avoir Dieu de son côté…

Source: Blog de Louis Prefontaine
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Haïti et l’existence de Dieu
Antoine Robitaille, 18 janvier 2010
«La calamité qui a dévasté Haïti réfute-t-elle l’existence de Dieu?», telle est la question pertinente posée par Jean Laberge, un habitué de notre page «Le Devoir de philo», (laquelle reviendra une fois par mois jusqu’à l’été, question de faire un peu de place à notre centenaire). Plusieurs ne seront pas convaincu par la réponse que Jean Laberge donne, qui s’appuie sur Thomas d’Aquin, mais elle vaut la peine d’être explorée. Après le tsunami de 2004, l’archevêque de Canterbury, chef de l’Église anglicane, avait créé toute une commotion en admettant ceci : «Cela me porte à douter de l’existence de Dieu.»
Dans un texte, j’avais recensé les positions inverses, celle d’un dieu vengeur : le grand rabbin d’Israël, Shlomo Amar, avait par exemple déclaré que «ces tsunamis sont une expression de la colère de Dieu face à l’état actuel du monde». La même agence rapportait que le pandit Harikrishna Shastri, un prêtre hindouiste du temple Birla à New Delhi, a soutenu que le désastre était une réponse au «mal perpétré par l’être humain sur terre». Azizan Abdul Razak, un musulman vice-président d’un parti de l’opposition islamique en Malaisie, avait soutenu que «Dieu a créé le monde et qu’Il peut aussi le détruire». Même le penseur bouddhiste Sulak Sivaraksa, interviewé par l’Agence France-Presse à Bangkok, considérait la catastrophe comme une punition: «Nous avons détruit la nature, avons été égoïstes et cupides, recherchant toujours plus de prospérité en oubliant que nous et la nature ne formons qu’un.»
Et cette semaine, c’est le «révérend» Pat Robertson qui a déshonoré son culte en soutenant qu’avec le tremblement de terre de mardi, Haïti «paie» pour un pacte conclu «avec le diable» (!) lors de l’indépendance de 1804, «à l’époque de Napoléon III or whatever» (petit problème de date...). Ça nous donne envie de demander à dieu de donner une petite leçon à Pat, non? (La vidéo vient d’ici.)


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