Un collectif de scientifiques québécois a réalisé une vaste étude pour analyser le Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection (RPEP), qui régit l’usage de la fracturation hydraulique chez nous. Ce règlement, promulgué en août 2014, a été contesté par plus de 325 municipalités qui ont adressé au gouvernement une demande de dérogation afin de pouvoir se doter de normes plus contraignantes de manière à mieux protéger leurs sources d’eau potable. Leur demande a été refusée par le ministre responsable de l’environnement, M. David Heurtel.
L’étude du collectif scientifique présente une documentation très riche sur les normes législatives et réglementaires de la fracturation hydraulique dans le monde, toutes plus sévères que celles du Québec, ainsi qu’une compilation des milliers de cas rapportés de contamination des eaux souterraines par cette industrie aux États-Unis. L’étude aborde également le cas de la lutte citoyenne pour la protection de l’eau potable à Ristigouche ainsi que le rapport du BAPE de 2014 sur l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent. Mais surtout, elle met en lumière les insuffisances du RPEP à protéger les eaux souterraines et le biais favorable à l’industrie que transpire ce règlement.
Parmi les nombreux exemples d’insuffisances criantes relevées par les auteurs de l’étude, citons la distance minimale de 400 mètres du bas de la nappe phréatique, que fixe le RPEP, pour effectuer un forage horizontal avec fracturation. Pourtant la littérature scientifique témoigne de plusieurs cas de contamination survenus lors de forages situés à des distances de 550 mètres ou plus sous les eaux souterraines. C’est d’ailleurs pourquoi l’Allemagne a interdit la fracturation à moins de 3 km de la base des aquifères. De plus, le RPEP impose une caractérisation initiale du site de forage par des études hydrogéologiques afin d’examiner les impacts potentiels des activités menées en surface sur les aquifères souterrains. Mais rien n’oblige l’industrie à établir les conséquences d’une contamination en provenance du sous-sol.
Comme le soulignent les experts: «Les études hydrogéologiques s’intéressent à ce qui DESCEND vers les nappes phréatiques plutôt qu’à ce qui MONTE vers elles». Ce qui a pour conséquence qu’en cas de contamination d’un puits d’eau potable par du méthane ou des produits du liquide de fracturation s’échappant d’un puits sous l’aquifère, comme cela a été rapporté dans des milliers de cas aux États Unis, il sera impossible d’apporter le type de preuve scientifique nécessaire aux tribunaux pour déterminer la source de la pollution ainsi que ses responsables. Les citoyens n’auront donc aucun recours légal possible contre l’industrie en cas de contamination de leur eau potable. Cette situation est déjà présente à Gaspé autour du puits Haldimand 1 de la société Pétrolia.
Les auteurs de l’étude mentionnent encore que le RPEP prive les municipalités de leur compétence en matière de puisement d’eau sur leur territoire s’ils sont faits pour une exploitation pétrolière ou gazière et que les distances séparatrices minimales ne s’appliquent pas pour les sources d’eau servant à des élevages et des activités agricoles. Le règlement ne tient pas compte non plus des effets à long terme de la fracturation hydraulique et du caractère irréversible des pollutions qu’elle entraîne.
Ce ne sont là que quelques-uns des éléments problématiques mis en lumière dans l’étude sur le RPEP. Avec le ton modéré habituel des scientifiques, ceux-ci ont conclu que les normes du RPEP ont été conçues dans l’urgence et l’improvisation pour favoriser le développement de la filière des hydrocarbures à Anticosti et Gaspé au détriment de la protection de l’environnement. À cela on peut encore ajouter que ce règlement est dangereux parce qu’il ignore les liens essentiels des communautés avec leur territoire et méprise le droit à un environnement sain et viable pour les générations présentes et futures.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de L’Assomption
26 février 2016
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1 commentaire
Serge Jean Répondre
26 février 2016Depuis quand est-ce que nous laissons des employés salariés avec des chèques de paye, nous interdire de protéger notre eau potable?
C'est complètement surréaliste.....