À défaut de fêter le retour du Québec dans le giron constitutionnel canadien, dont il est exclu depuis 1982, le gouvernement Couillard a trouvé quelque chose à célébrer l’an prochain, lors du 150e anniversaire de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique. Il criera : « Vive le Canada français ! »
« Le 150e est le moment de rappeler que le français est la langue de l’exploration et de la fondation de notre pays », explique le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes et de la Francophonie, Jean-Marc Fournier, dans un enregistrement vidéo réalisé à l’occasion du Mois de la Francophonie.
Bien sûr, l’histoire du français au Canada a été semée d’embûches, reconnaît-il. On ne peut pas oublier la conquête, le rapport Durham ou le règlement 17 en Ontario, mais « leurs effets néfastes ont été repoussés », de sorte qu’il faut maintenant se tourner vers l’avenir.
À entendre M. Fournier, le Canada est devenu un véritable éden francophone. Contrairement à ce que l’on pourrait croire vu d’ici, le ministre a découvert une « réalité canadienne où il y a un appétit pour le français, une légitimité nouvelle qui apparaît clairement ».
Toute avancée du français hors Québec est évidemment la bienvenue, mais il ne faut pas prendre ses désirs pour la réalité. Le ministre a beau se féliciter de la multiplication des classes d’immigration et de la présence de 2,6 millions de « francophones et francophiles », il reste que, d’un recensement à l’autre, la proportion de ceux qui disent — souvent de façon exagérée — être en mesure de soutenir une conversation en français diminue dans toutes les provinces, y compris au Québec.
M. Fournier devrait noter que 2017 marquera aussi le 50e anniversaire des États généraux du Canada français, qui ont marqué un tournant dans le développement de l’identité québécoise. On y avait résolu que le Québec constituait la base territoriale et le milieu politique fondamental d’une nation distincte de la diaspora francophone. C’est à un grand bond en arrière que nous convie en réalité le gouvernement Couillard. Tant qu’à y être, pourquoi ne pas revenir à la fête de Saint-Jean-Baptiste et ramener le mouton dans la parade ?
L’an dernier, M. Fournier s’était opposé à l’idée d’étendre les dispositions de la Charte de la langue française aux entreprises qui relèvent de la compétence fédérale, sous prétexte que les francophones hors Québec pourraient être victimes de représailles. Si M. Fournier le pense réellement, il lui faut logiquement admettre que cette « légitimité nouvelle » du français qui le réjouit tant est loin d’être aussi reconnue qu’il le dit.
On ne peut que sympathiser avec le combat que mènent les francophones pour maintenir des communautés bien vivantes d’un océan à l’autre. M. Fournier joue cependant avec le feu quand il propose d’ouvrir la porte des écoles françaises hors Québec « au-delà du minimum constitutionnel ». Autrement dit, permettre aux immigrants francophones d’y inscrire leurs enfants sans avoir la citoyenneté canadienne, même si l’article 23 de la loi constitutionnelle de 1982 ne le permet pas.
Depuis l’adoption de la loi 101, la communauté anglophone du Québec réclame le droit d’accueillir dans ses écoles les enfants d’immigrants de langue maternelle anglaise. Si une exception est faite en faveur des communautés francophones hors Québec, elle va certainement exiger le même traitement. M. Fournier s’illusionne s’il croit qu’elle va accepter une quelconque asymétrie dans ce domaine.
Les francophones hors Québec ont été cruellement déçus que le gouvernement du Québec n’appuie pas leurs démarches devant les tribunaux. Ce n’est pas qu’il était insensible à leur sort, mais plutôt qu’il craignait d’ouvrir une brèche qui pourrait compromettre les efforts faits depuis quarante ans pour intégrer les « enfants de la loi 101 » à la majorité francophone.
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