Philippe Couillard aime bien Kathleen Wynne, la première ministre de l’Ontario. Il a beaucoup profité de sa complicité pour accroître la collaboration sur les grands dossiers comme l’électricité, les changements climatiques et même le cannabis. Jean Charest avait fait de même en créant le Conseil de la fédération et en lançant les réunions conjointes des conseils des ministres des deux provinces. Philippe Couillard et Mme Wynne en ont fait un événement annuel.
En fait, le Québec s’est beaucoup rapproché de sa voisine ontarienne depuis le début des années 2000. Ce qui a permis à nos premiers ministres de rappeler au gouvernement fédéral, dans leurs différends avec Ottawa, que le «Canada central» a un poids politique et économique dont il faut tenir compte.
Justin Trudeau a lui aussi profité de la complicité des libéraux ontariens aux élections de 2015, et il leur a retourné l’ascenseur à plusieurs reprises. En février 2016, il s’est déplacé à Whitby aux côtés de Mme Wynne, pour donner son appui à sa candidate Elizabeth Roy, à deux jours d’une élection partielle à la législature ontarienne. Et voilà que l’univers politique de ce Canada central vient de bousculer avec la victoire de Doug Ford à la tête du Parti conservateur de l’Ontario. Que faire devant la perspective de voir cet homme de droite devenir premier ministre de l’Ontario?
Pour Justin Trudeau, la situation est plus simple : comme les libéraux ontariens sont également membres du Parti libéral du Canada, il sera justifié de les appuyer. Ce sera d’autant plus facile que le premier ministre est plus près idéologiquement de Mme Wynne. Il pourra donc laisser parler son cœur. Il aura intérêt à le faire, parce que les sondages d’opinion le placent maintenant sur un pied d’égalité avec les conservateurs fédéraux. Il aura besoin de l’appui de tous les libéraux.
Pour Philippe Couillard, c’est une autre histoire. Le premier ministre serait malvenu de s’ingérer dans la campagne électorale ontarienne. Parce que peu importe qui sera élu, il faudra bien s’entendre. Dans les circonstances, on voit mal M. Couillard multiplier les événements publics ou les déclarations susceptibles d’afficher une préférence envers Kathleen Wynne. S’il fallait que Doug Ford devienne premier ministre et qu’il prenne le Québec en grippe, ce ne serait pas très utile. Déjà inquiet des décisions unilatérales de Donald Trump, le gouvernement Couillard n’a pas besoin d’une autre guerre commerciale sur sa frontière ouest.
François Legault sera un peu dans la même situation. Même si la CAQ se veut un peu plus à droite que le PLQ, elle ne partage certainement pas les positions extrêmes de Doug Ford sur des enjeux comme l’avortement par exemple. On peut tout de même penser qu’il serait plus facile pour M. Legault de s’entendre avec un gouvernement ontarien conservateur. Mais il devra lui aussi faire preuve de retenue pendant la campagne ontarienne. Même si Kathleen Wynne est au plus bas dans les sondages, elle pourrait bénéficier de la controverse entourant le leadership de Doug Ford, autant à l’intérieur des rangs conservateurs, que dans la population en général.
Qui a dit que la politique ontarienne était «plate»? Ce fut le cas dans un passé lointain quand la big blue machine régnait sur cette province. Mais ce ne l’est certainement plus aujourd’hui, à un point tel que tout le monde à Québec et à Ottawa se croisera les doigts le 7 juin au soir, dans l’attente des résultats à Queen’s Park.