On ne peut pas reprocher à un jeune de penser comme un jeune, ni à un vieux de penser comme un vieux. Mais on peut réfléchir ensemble.
Il est possible que le fractionnement du vote indépendantiste (et du vote de gauche) fasse passer Charest pour un autre mandat, mais il n'y a aucun moyen de le savoir avant, nos urnes étant si... capricieuses. Avec notre foutu système british, présentement, tout peut arriver, tout je dis ! même un gouvernement libéral majoritaire ; s'agirait du déplacement de quelques points de pourcentage pour que la catastrophe arrive. Il est presque navrant de constater les raisons et arguments de QS et ON pour tenter de se dédouaner de ce trop grand risque que le Québec ne peut pas prendre. Il s'agit ici de notre avenir en tant que peuple, rien de moins.
Alors j'ai peur, très peur même, Charest est une crapule redoutable et faudrait surtout pas le sous- estimer. Je comprends que l'on veuille voter avec son coeur, c'est bien de voter avec son coeur, c'est... beau, très noble même. Mais pas toujours très intelligent. Nos bons amis anglish votent d'abord et avant tout pour leurs intérêts, et la plupart du temps en se bouchant le nez. Pourquoi ? Parce qu'ils ont une longue habitude du pouvoir, c'est dans les gênes je crois. Voici ce qu'en disait Camille Lorin, père de la Loi 101.

«... Le sort a voulu que le Québécois naisse et grandisse sous le signe de l’ambiguïté et de l’ambivalence, ce qui en fait un être confus, tourmenté, divisé contre lui-même, incapable d’intégrer les éléments de sa riche personnalité, d’harmoniser ses aspirations et son action, d’inscrire ses rêves dans la réalité, de secouer les tutelles, de vaincre ses peurs, d’affronter l’inconnu à ses risques et périls, d’assumer pleinement sa liberté, son histoire et son existence... »

Et quel est le pricipal intérêt des indépendantistes et des gens de gauche présentement ? Se libérer des libéraux, et des capos / copains autour de Jean Charest. Et on y arrivera en regroupant nos votes dans les comtés où il y a aurait le moindre risque de faire passer un libéral ou un caquiste. Cela s'appelle la maturité politique. Voter avec sa tête est peut-être moins exaltant, mais plus efficace.
Lors des dernières élections fédérales, on a voté pour 52 poteaux avec not' bon coeur... Jack Jack Jack... et même pour une Ontarienne dans le comté de notre bon ami Fred Pellerin, ce qui est à mon avis une abomination. Paraîtrait même que le barbier de Ste-Élie est s'a brosse depuis ce soir-là... :-). Je crois bien que ce n'est jamais arrivé dans toute l'Histoire de l'humanité qu'un peuple vote pour d'illustes canditats inconnus, pour un parti qu'il ne connaît même pas et encore, un parti des plus centralisateur, ce qui va tout à fait à l'encontre de ses propres intérêts. Félicitation pour vot' beau programme ! et QS applaudissait.
Navrant.
Je resterai éternellement reconnaissant envers nos étudiants qui ont réussi cette chose extraordinaire : un bon matin, z'ont foutu un grand coup de pied dans' cabane : « Réveillez-vous là-dedans... » et ce faisant, ils ont rendu possible la jonction des générations, ce qui est un phénomène rare, qui n'arrive qu'une fois tous les 40 ans environ. Comme je le dis souvent, au risque de passer pour un radoteux : Au delà du tourbillon quotidien, il y a une sorte de pont, et sur le tablier de ce pont, les rêves des grands-pères et de leurs petits-fils et filles se rejoignent. Dans la rue : des « jurrassiques », des pépé boomers, des X (pas beaucoup par exemple, font dans la buzinesse eux-autres...), des Y, et même des enfants, nos enfants, sont si beaux...
Mon vieux coeur riait en marchant, c'est ça le peuple auquel tu appartiens qu'il me disait mon vieux coeur, c'est toi ça, c'est nous autres ça, les Québécois, avec nos qualités et nos défauts, avec nos folies, nos carrés rouges à tout virer à l'envers, avec nos talents et nos manques, avec nos colères et nos tendresses. Et je me disais que nous n'avions pas le droit de rater pareille occasion, pareille conjoncture politique, que nous devions cette fois avoir la lucidité de regrouper nos forces, et fesser dans l'tas !
Et voyez, malgré tout ce que je viens d'écrire, je vais voter Khadir dans mon comté. Pourquoi ? Non pas parce qu'il est venu chez moi, qu'on a chanté et jaser ensemble lors d'une fête, ni même parce que je l'aime bien, et surtout pas par caprice de voter avec mon coeur... mais parce que je suis certain que ce faisant, je ne cours pas le risque de faire passer un libéral ou un caquiste, et aussi, que je me dis, ce serait idiot que le Québec se passe d'un parlementaire de cette qualité.
Par contre, si j'étais dans le comté de Borduas par exemple, je ne prendrais pas le risque de voter pour mon ami J.F. Lessard, un gars que j'adore, chanteur, compositeur, interprête, poète, fou braque... à moins d'avoir la certitude que mon vote ne sera pas un vote pour les libéraux. Dans les comtés où le vote risque d'être serrée, chaque vote pour QS ou ON peut être un vote pour Jean Charest.
En fait, cette lettre est une requête, pour ne pas dire une supplique. Je demande tout simplement de réfléchir avant de voter ; la plupart de ceux qui tiennent absolument à voter avec leur coeur vont le faire sans que cela ne change quoi que ce soit, du moins probablement. Mais pour ceux qui, par leur vote, risquent de laisser le libéral ou le caquiste se faufiler et prendre le comté, je les supplie de bien s'informer, et s'il s'avère que l'élection soit le moindrement serrée, je les exhorte à voter PQ.
Vous aurez de toutes façon la chance de vous reprendre, et cette élection est trop importante pour laisser filer la chance de se débarasser pour longtemps des libéraux. Il ne faut pas oublier que dans une lutte à trois, pour ne pas dire à quatre ou à cinq, absolument tout peut arriver, même balayer un parti du paysage politique. Et puis... je ne vois pas en quoi un gouvernement péquiste (qui a rassemblé une « équipe du tonnerre » faut-il le souligner) pourrait empêcher un jeune parti de se développer lors des quatre prochaines années , d'autant que si Pauline Marois ne livre pas la marchandise comme on dit, leur membership va exploser dans les années suivantes — et j'en serai.
En ce qui me concerne, je vais voter comme je le fais depuis 1960 : je vais voter pour Jacques Cartier, pour les Patriotes, pour les anciens, pour mon père, pour ma mère, pour tout ce qu'ils ont fait pour moi ; je vais voter pour les enfants, pour mes petits-enfants, pour les bébés-feuilles en haut, proche du soleil, pour la durée, pour la suite du monde... et pour qu'advienne — enfin — notre liberté politique.
Le Québec est trop grand pour rester petit.
Et dépendant.
André Vincent