Comme René Lévesque et Lucien Bouchard avant lui, André Boisclair a commencé à se quereller avec son propre parti, et cela ne fait que commencer. Il n'a pas le choix, cependant: s'il fallait qu'il se fasse l'écho des revendications de l'aile "syndicalo-gauchiste" du PQ, il se verrait répudier par un électorat qui se situe, grosso modo, autour du centre.
Pour M. Boisclair, la partie sera plus difficile que pour ses deux prédécesseurs. Il pourra moins facilement en imposer aux membres turbulents du PQ parce qu'il n'a pas l'auréole de Lévesque, le père-fondateur adoré, et qu'il n'est pas aussi populaire que l'était Lucien Bouchard.
En outre, il fait face à un parti beaucoup plus rétif parce que plus marginal. Du temps de Lévesque, le PQ avait le vent dans les voiles; ses troupes étaient plus nombreuses, plus représentatives de la population en général, et la majorité des militants finissaient par se ranger, après quelques débats enflammés, du côté des positions modérées des dirigeants.
Aujourd'hui, le PQ a un membership plus réduit, et est de ce fait plus vulnérable aux pressions d'un groupe déterminé de radicaux. Son ancien chef Bernard Landry lui a laissé un héritage empoisonné en cédant aux pressions d'un groupe de syndicalistes qui voulaient former au sein du parti un "club politique" qui aurait sa propre délégation et son propre programme.
L'idée était mauvaise - pourquoi pas, tant qu'à y être, un club féministe, un club de l'âge d'or, un club des patrons, un club d'écologistes, etc? Mais M. Landry voulait désespérément se concilier l'aile gauche du PQ, dans l'espoir de récolter un vote de confiance qui correspondrait à ses attentes. Cette compromission ne lui a rien donné et il a démissionné en catastrophe après un vote de confiance décevant. Mais sa création est restée.
Aujourd'hui, le PQ est à toutes fins utiles contrôlé par le SPQ Libre, qui, comme tous les groupes hyper-militants, sait très bien comment manipuler les salles. Ce n'est pas par hasard que la présidente de l'exécutif du parti vienne de cette mouvance-là.
Cette fois, c'est sur la question de la nationalisation de l'industrie éolienne qu'il y a eu affrontement. Un affrontement qu'André Boisclair a gagné, mais de justesse. Après avoir été pris de court par le vote des délégués, il a quitté la salle en trombe, entouré de sa garde rapprochée, comme un prince offusqué ou un enfant boudeur. (Lucien Bouchard pouvait, à la rigueur, se permettre ces crises de colère, mais chez André Boisclair, qui passe encore pour un poids léger, cela fait juvénile.)
S'étant enfin ressaisi, il a remis les pendules à l'heure en excluant carrément toute nationalisation de l'éolien. A ce moment-là, il s'est comporté comme un chef responsable, capable de contredire ses militants sur des questions de principe.
C'est avec la même fermeté qu'il a écarté, il y a quelque temps, le projet d'éliminer les écoles privées, de même que l'idée d'utiliser les fonds publics pour faire la promotion de la souveraineté avant une éventuelle campagne référendaire. Il s'est également distancé de l'obligation de tenir un référendum le plus tôt possible au cours d'un premier mandat.
Certains ont vu là une volte-face, de la part de celui qui promettait une fidélité aveugle au programme à l'époque de la course au leadership. C'était à l'évidence un mensonge blanc, et fort courant en politique : une fois bien en selle, les chefs de parti prennent toujours leurs distances avec les aspects les plus dogmatiques de leurs partis. Pour ne prendre qu'un exemple, c'est ce que Stephen Harper a fait sur des questions comme le mariage gai ou l'avortement.
Il faut dire que sur la question spécifique du "timing" du référendum, M. Boisclair ne s'écarte pas tellement de la ligne du parti - car en fait, la ligne du parti était beaucoup moins contraignante qu'on ne le croit communément.
L'expression "le plus tôt possible" est assez claire: le mot "possible" vient pondérer le sentiment d'urgence et est, de fait, synonyme du concept de "conditions gagnantes". Bref, il y aura référendum quand ce sera "possible"... Seule contrainte, il doit y en avoir un durant un premier mandat, mais l'on sait bien que cette échéance pourrait être contournée pour peu que les sondages annoncent une défaite certaine de l'option, parce que c'est une question de bon sens, tout simplement.
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