« Ça dépend de nous autres tsé! Ça dépend juste de nous autres tsé! »
La fin de semaine que j’ai passé au festival le Festif! de Baie-Saint-Paul m’a regaillardi la conviction que la chanson du Québec se porte bien. Que la créativité de nos artistes touche toutes les générations, et qu’il y a encore beaucoup de place pour que nous affichions fierté en notre production artistique.
J’ai vécu de quoi à ce moment précis du spectacle de Daniel Boucher où l’artiste a fait durer un peu son « bridge », quand il a entamé cet hymne à l’autodétermination, à ce qui nous pend au bout du nez et que nous n’assumons pas encore....
« Ça dépend de nous autres tsé! »
Et ce merveilleux passage, ce poème d’ouverture, de pluralisme, ce manifeste de notre formidable capacité d’accueil, de notre tolérance. Mais aussi de la légitimité d’assumer pleinement que nous existons, et qu’il n’y a rien d’indécent à le chanter, à le revendiquer. J’en avais des frissons :
J'ai souvent pensé
Que c'est mon voisin
Qui mène le marché
Qui m'amène mon pain
Qui m'amène mes sous
Quitte à gagner moins
Quitte à m'incliner
Même si j'ai bûché
Toute la terre Chez Nous
Mais là, à l'avenir, m'as dire
Que ça m'tente de faire mes affaires, ok?
C'tà mon tour d'ouvrir la maison Chez Nous
Pis de pas m'gêner pour dire
Que je l'aime pis que c'est d'même
De que ça s'passe de que j'ai l'goût
C'tà mon tour d'ouvrir
À du beau monde de partout
Les vouleurs de rire
Sont bienvenus Chez Nous
« Ça dépend de nous autres tsé ! Ça dépend juste de nous autres tsé ! »
À ce moment précis, j’ai ressenti une immense fierté qu’on le chante ainsi, en cœur. Ensemble, des centaines de gens. Nous le faisions beaucoup avant.
Avant.
Dans le temps qu’il n’y avait rien de mal là-dedans. Avant qu’on nous entre dans la tête que tout élan de patriotisme avait quelque chose d’une manifestation de fermeture. Avant qu’on trouve ça un peu caduque que quelqu’un manifeste de façon ostentatoire son appui à l’émancipation de la nation.
Discrétion. Une nation est en train de s’éteindre.
Faux.
Il fait gris, c’est indéniable. Mais cette nation a courbé l’échine plus d’une fois pour laisser passer la tempête. Cette nation en a vu d’autre. On l’a enterrée souvent, on lui a prédit sa belle mort, certains l’ont espéré. Mais ses racines sont profondes, elle s’est bâtie à coup de survivance. Elle a cumulé les échecs, mais elle a le cœur à la bonne place.
Voilà à quoi j’ai pensé quand j’ai cuvé ma soirée, quand j’ai repensé à Daniel Boucher, ce poète des temps gris. Ce phare dans la grisaille. Il y en a d’autres.
Cette nation d’ouverture et de tolérance, nous ne le répétons jamais assez, saura revoir le printemps.
Et affirmer, clâmer, revendiquer son droit d’être.
« Ça dépend de nous autres tsé... »