Assez de tergiversations. L’élection en cours devrait régler le cas de la représentation progressiste au Québec.
Le Parti québécois a décidé de camper à gauche. Québec solidaire occupe, lui aussi, résolument, ce terrain politique. Ce parti se le réclame pour lui tout seul. Et en théorie, ces deux formations politiques sont «indépendantistes».
Et elles sont toutes eux à l’avant-plan de la défense des revendications environnementales. Pendant que la droite fédéraliste se fiche éperdument de l’environnement. Si cette campagne électorale a servi à quelque chose, c’est bien de clarifier la position des uns et des autres sur cette question fondamentale.
C’est ridicule et contre-productif. Il est impératif que ces deux formations politiques trouvent un moyen de se parler, de collaborer, pour l’intérêt supérieur du Québec. À défaut de quoi les causes de l’indépendance ET de l’environnement en souffriront énormément.
On ne peut plus faire comme ci la situation actuelle n’existait pas. En gros, deux scénarios se dessinent quant à la représentation politique en opposition à la droite fédéraliste.
Le scénario du dialogue.
Nous avons déjà joué une manche de ce scénario. Et ça ne s’est pas très bien passé. Un fin connaisseur des nuances de la politique québécoise, le chroniqueur du Devoir Michel David, l’a rappelé récemment dans un de ses textes en référant au fait que Amir Khadir a voulu proposer à son parti l’option du dialogue. Sans succès. Extrait du texte de David :
«M. Khadir a déjà eu l’occasion de constater que le pragmatisme, avec le lot de compromis qu’il implique, cohabite mal avec l’idéalisme qui anime les militants de QS. Lors du débat sur l’opportunité de conclure un pacte électoral avec le PQ, au printemps 2017, il avait mal mesuré l’aversion que leur inspirait la perspective d’un rapprochement.
Il avait calculé qu’une alliance avec le PQ dans trente circonscriptions pourrait permettre à QS de faire élire jusqu’à treize députés, dont quatre à l’extérieur de Montréal. Les délégués au congrès de QS n’ont même pas voulu en entendre parler. Les péquistes étaient des mécréants, point à la ligne. M. Khadir l’a tout de suite compris et n’a pas insisté.
La question de l’éparpillement des efforts de QS n’en demeure pas moins d’actualité. Malgré le bel autobus que le parti a maintenant les moyens de s’offrir et l’affection que suscite Mme Massé, miser sur une quelconque vague paraît bien hasardeux.»
Les péquistes, des mécréants. On ne discute pas avec des mécréants n’est-ce pas? Une telle posture relève de l’intransigeance, contraire à toute piste de dialogue. La donne a-t-elle changé depuis le début de l’élection? Peut-on croire que la stagnation des appuis de la gauche QSiste puisse en porter plusieurs à réfléchir?
On doit tout de même se rappeler que Gabriel Nadeau-Dubois campait dans le camp de Khadir au printemps 2017, celui de ceux qui auraient dialogué avec le PQ. Manon Massé s’y est opposée. Et c’est cette dernière qui a été désignée comme candidate de son parti au poste de PM.
Et s’il fallait que QS arrache un ou deux sièges au PQ? Serait-ce assez pour que la gauche se cantonne dans ses positions et y voit une marque de progrès acceptable? Une chose est certaine, l’urgence d’agir en matière de climat se calcule sur un horizon beaucoup moins long que celui de l’accession de QS à un rôle plus important sur l’échiquier politique du Québec.
Le scénario de l’éclatement.
Quand on considère l’analyse de Michel David citée plus haut, difficile d’y voir d’autre issue que le scénario de l’éclatement, de la confrontation.
C’est le scénario d’une lutte sans merci entre les progressistes en fonction de l’axe du «vivre-ensemble» ; QS étant attaché à la défense de la «diversité», cet euphémisme fourre-tout où l’on se perd entre multiculturalisme ou interculturalisme et toutes les nuances de ces idéologies connexes.
De son côté, le PQ épouse la défense de la laïcité et de l’identité québécoise où se fédèrent à la fois des gens de gauche très attachés à la laïcité, mais aussi des militants très près de groupes identitaires très à droite.
On notera toutefois qu’il ne faut pas tomber dans le piège des généralisations. QS n’est pas l’étendard de l’islamisme militant pas plus que le PQ le cheval de Troie des méchants groupes identitaires de l’extrême-droite.
Ne soyons pas dupes, il existe (et persiste) une animosité entre certains militants des deux camps qui fera ombrage à toute tentative de rapprochement. La dynamique qui s’est imposée lors du congrès de QS du printemps 2017 a-t-elle changé? Peut-on croire qu’au lendemain de la prochaine élection, les deux camps seront dans de meilleures dispositions pour discuter?
La bataille en cours laissera des traces. À défaut d’avoir pu s’entendre en 2017, QS n’a pas fait de cachettes sur ses intentions, l’occupation des terres péquistes, là où ses chances de croissance sont les meilleures. À l’autre bout du spectre, le PQ a bien compris que QS avait fait de lui son principal adversaire. Le temps des politesses est, dès lors, révolu. Il en va de sa propre survie.
QS ne vise pas le pouvoir et dans l’état actuel des choses, la guerre impitoyable entre les partis plus progressistes pourrait bien paver la voie à une représentation parlementaire inespérée de la droite fédéraliste, néolibérale et très peu intéressée par les considérations environnementales.
Le pire des scénarios.
Pour l’heure, le PQ et QS reprennent un peu de terrain, semble-t-il. On est dans la marge d’erreur des sondages. La réalité dure, froide, c’est que la droite récolte plus de 60% des intentions de vote. Dans un tel contexte, progressistes et indépendantistes en sont réduits à espérer que le prochain gouvernement soit minoritaire afin de rebrasser les cartes rapidement.
S’il fallait que Québec solidaire n’arrive pas à faire des gains substantiels le 1eroctobre, ce parti ne sera pas dispensé de faire sa propre introspection. Jamais un parti non officiellement reconnu à l’Assemblée nationale n’aura autant de visibilité et de moyens pour percer.
Si ce n’est pas cette fois-ci, faudra un jour comprendre que la plus grande part de la population n’est pas encline à adopter le positionnement politique de Québec solidaire.
Le mode de scrutin dans tout ça?
À ceux qui espèrent que la prochaine élection se fera selon un autre mode de scrutin, permettez-moi de tempérer un peu les ardeurs. Oui, ce changement est absolument nécessaire. Il nous faut nous défaire de cet anachronisme qu’est le vote uninominal à un tour.
MAIS
D’autres provinces se sont engagées dans cette voie, notamment la Colombie-Britannique et l’Ontario. Et leurs expériences montrent qu’il s’agit d’un très long processus dont on peut douter qu’il aboutisse à temps dans le cadre d’un gouvernement minoritaire.
Les électeurs de la C-B seront appelés à se prononcer par référendum sur la réforme de leur mode de scrutin cet automne pour une 3e fois depuis 2005 ! Une bataille de longue haleine dont l’issue est loin d’être certaine. En 2009, 60% des électeurs ont rejeté la proposition de réforme électorale. Pas simple de changer le mode de scrutin.