Sous la loupe de Justin Trudeau
Octobre 2019
La Loi 21 sur la laïcité de l'État a été adoptée en juin 2019 par l’Assemblée nationale du Québec. Depuis lors, elle a été confrontée d’abord aux déclarations pour le moins ambigües du premier ministre du Canada, Justin Trudeau, en octobre 2019, s’engageant à ne pas prendre part « pour l’instant » à la contestation de la loi 21, sans pour autant clairement écarté l’idée de le faire s’il était élu pour un second mandat.
Une position pour le moins ambivalente qui a fait dire au chef du Bloc québécois que Justin Trudeau « a sans équivoque laissé comprendre qu’au besoin, l’argent des Québécois va être utilisé pour lutter et rendre inopérante une loi adoptée en toute légitimité et largement consensuelle au Québec. »
Il m’apparaît tout à fait clair ici que le culte que voue Justin Trudeau, hérité de son père, au multiculturalisme bien ancré dans la Charte fédérale des droits et libertés est durement mis à l’épreuve. Toutefois, il m’apparaît tout aussi clair que la loi sur la laïcité de l’État a été validement adoptée par l’Assemblée nationale du Québec comme faisant intrinsèquement partie de l’identité québécoise.
Des débats émotifs en commission parlementaire
Décembre 2019
Force est de constater que les réactions, parfois vives et émotives, autour de la Loi sur la laïcité de l’État, autant de l’Assemblée nationale que de la population en général, auront monopolisé l’ensemble des tribunes médiatiques, y compris et surtout les médias sociaux, pendant une bonne partie de cette session parlementaire.
Comme il fallait s’y attendre, cette loi, qualifiée de « modérée » par le premier ministre François Legault, n’a pas eu l’heur d’avoir le même effet chez les personnes de communauté musulmane qui y ont perçu un obstacle flagrant contre l’exercice de leurs droits individuels, et cela même si l’interdiction de signes religieux sur les lieux de travail ne touchent que certains travailleurs en ligne d’autorité.
L’un après l’autre, les groupes s’opposant à la loi 21 sont venus exprimer leurs doléances en commission parlementaire sans que cela ne fasse broncher d’un iota le gouvernement Legault qui a finalement adopté le projet de loi sous bâillon, le premier ministre évoquant, entre autres, que la grande majorité des Québécois appuyaient cette loi.
Une saga qui est loin d’être terminée, la loi 21 étant déjà contestée devant les tribunaux par la Commission scolaire English-Montréal (CSEM) et risquant de se retrouver éventuellement devant la cour Suprême du Canada, là où le débat tournera, à mon sens, autour des juridictions provinciales ou fédérales visées par la loi 21, notamment la dichotomie entre les droits collectifs et les droits individuels… Un dossier chaud à suivre en 2020!
Première victoire devant les tribunaux
Avril 2020
La Cour suprême du Canada a tranché; dans la foulée de la Cour supérieure du Québec et de la Cour d’appel, la Loi québécoise sur la laïcité de l’État (Loi 21) ne sera pas suspendue temporairement tel que le réclamait, entre autres, le Conseil national des musulmans canadiens.
Toutefois, il ne faudrait pas croire que les opposants à cette loi ont rendu les armes, leur but ultime étant de faire invalider la loi 21, arguant qu’elle est discriminatoire et cause des torts irréparables et immédiats aux minorités religieuses, notamment en raison de l’interdiction de porter des signes religieux dans l’exercice de leur fonction.
De son côté, la ministre de la Justice du Québec, Sonia LeBel, a salué la décision rendue par la Cour suprême du Canada à l'égard de l'application de la Loi sur la laïcité de l'État. « Nous continuerons à défendre le bien-fondé et la constitutionnalité de la Loi, comme nous l'avons toujours fait », a-t-elle fait savoir par communiqué.
À mes yeux, le débat est passé par toutes les étapes, des consultations publiques à l’Assemblée nationale en passant par les commissions parlementaires. Les derniers sondages sur cette loi révélaient que les Québécois étaient très majoritairement en sa faveur…
Retour devant les tribunaux
Novembre 2020
La loi 21 sur la laïcité de l’État, présentement devant la Cour supérieure, a reçu un appui de taille récemment en la personne de l’éminent juriste, constitutionnaliste et ancien ministre libéral Benoît Pelletier. Les tribunaux canadiens ont reconnu, a-t-il fait valoir, qu’un contexte particulier à la nation québécoise l’a conduite à fonder un État voulu « neutre en matière religieuse ». Le Québec est une « société distincte », insiste M. Pelletier, et la loi 21 reflète cette dimension et la rend même plus officielle.
Et, qui plus est, reconnaître ce fait serait profondément « fédéraliste », au sens fort du terme, a expliqué Pelletier au tribunal. Car une fédération a pour idéal « l’unité dans la diversité » et est fondée sur la tolérance pour des conceptions diverses, la laïcité à la québécoise différant de la conception qui a généralement cours dans le reste du Canada.
Enfin, Benoît Pelletier allègue que les dispositions de dérogation sont courantes dans les « fédérations multinationales ». Celle qui se trouve dans la Charte canadienne permet ni plus ni moins « aux provinces de préserver leur identité dans des matières qui leur sont d’une importance fondamentale ».
En bref…
Quel que soit le verdict du juge Marc-André Blanchard, il m’apparaît écrit dans le ciel que sa décision effritera les convictions d’une partie de l’opinion publique au Québec et que ce différend se retrouvera à n’en pas douter devant la Cour suprême du Canada.
Henri Marineau
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