Depuis le 17 septembre, les articles publiés dans les pages "op-ed" (opinions, analyses et éditoriaux) du New York Times sont accessibles gratuitement aux internautes. Auparavant payantes, elles étaient déjà passées du tarif initial de 95,99 dollars (70 euros) par an à 49,95 dollars (36,5 euros).
Le quotidien américain enregistre quelque 13 millions de visites quotidiennes, mais seuls 227000 souscripteurs s'étaient abonnés à ces pages dites "Times select", qui lui rapportaient 9 millions de dollars par an. Les personnes recevant le journal à domicile, tout comme les étudiants, avaient droit à la consultation gratuite. Au total, 787000 personnes ont actuellement accès à "Times Select" et ses abonnés seront remboursés sur leur carte de crédit.
Directrice du site, Vivian Schiller a justifié la nouvelle attitude du journal par deux raisons. D'abord, la concurrence : de nombreux internautes, en passant par les gros serveurs du type Google ou Yahoo!, parvenaient de plus en plus facilement à lire gratuitement les articles "op-ed" qu'ils recherchent sans passer par le service payant du journal. L'avenir, ensuite. Selon MmeSchiller, dans le domaine de l'information en ligne, le "modèle" des sites Internet tirant leurs ressources de la publicité est devenu "beaucoup plus attractif que celui basé sur les abonnements".
Professeur de communication à l'Université du Texas d'Austin et spécialiste de l'Internet, Rosental Alvès juge la décision du grand quotidien américain "évidente, quasi mathématique", et pour tout dire "tardive". Les sites d'information, explique-t-il, n'ont que deux options : "Les généralistes doivent miser sur le volume, donc la gratuité, afin de générer des recettes publicitaires. C'est l'unique modèle qui permet de rester un big player . Seules les lettres confidentielles au contenu spécifique et pointu peuvent encore se vendre sur le Net." La "vérité", poursuit-il, est que le service "Times Select" "n'a pas marché", car sa logique était "absurde". Le quotidien avait "érigé un mur de protection là où il faut au contraire ouvrir tous les champs. Faire payer pour lire son Paul Krugman ou son Tom Friedman [célèbres chroniqueurs du Times] préféré au moment où les blogs explosent partout revenait à se priver d'une de leur meilleure arme pour générer du volume de connexions".
M. Alvès pense qu'après avoir changé plusieurs fois son fusil d'épaule dans la construction de son site Internet, le New York Times s'est rendu à cette évidence. Malicieusement, il souligne que, quelque temps après avoir lui-même refusé de payer pour avoir accès aux pages "op-ed", et n'avoir pas ressenti de manque insupportable, le quotidien lui déjà avait offert, "en tant qu'universitaire", de le recevoir gratuitement… M. Alvès ne croit pas, en revanche, que la concurrence annoncée sur le Web avec le Wall Street Journal (filiale du groupe Dow Jones racheté cet été par le magnat de la presse Ruppert Murdoch) ait influé sur la décision du quotidien.
Ce n'est pas l'avis de tous les experts. La plupart, au contraire, estiment que l'annonce par M. Murdoch d'offrir bientôt gratuitement en ligne la totalité des services d'informations du quotidien économique – contrairement à toute la stratégie du quotidien qu'il a racheté, dont les informations en ligne sont entièrement payantes depuis le démarrage de son site – a précipité la décision du New York Times.
Ce dernier, estiment-ils, se devait de réagir avant que le "mogul" des médias, grand spécialiste de la vente d'informations au prix le plus bas pour écraser la concurrence, ne lui soustraie une part importante de ses recettes publicitaires sur le Net.
Sylvain Cypel
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