La Ville de Saint-Hyacinthe tente d’obtenir des subventions du gouvernement provincial pour un projet de centre des congrès qu’elle mène en collaboration avec l’entreprise de Marc Bibeau, l’ex-grand argentier du Parti libéral.
Ce projet de 65 millions $ comprend un centre des congrès financé par la Ville et un hôtel financé par les Centres d’achats Beauward, dont le président n’est nul autre que Marc-A. Bibeau.
Ce nom est maintenant connu du public, car il est revenu à une centaine de reprises lors de la commission Charbonneau. Il agissait pour aider au financement du Parti libéral du Québec. De plus, dans le cadre de son enquête sur le Train de l’Est, l’UPAC avait perquisitionné les bureaux de Centres d’achats Beauward, à Saint-Eustache, sur la Rive-Nord.
Saint-Hyacinthe a déjà voté un règlement d’emprunt de 23,6 millions $ pour financer le projet. Depuis un an, le maire Claude Corbeil et les députés locaux tentent de convaincre les gouvernements provincial et fédéral d’injecter huit millions de dollars en subventions pour le Centre des congrès.
Photo courtoisie
Le gouvernement fédéral, par l’intermédiaire du député Pablo Rodriguez, a indiqué à la Ville, la semaine dernière, qu’il n’investirait pas dans le projet et qu’il revenait plutôt à Québec de décider d’investir ou non.
Le maire qui négocie
C’est le maire lui-même qui mène les discussions. Aucun lobbyiste n’a été embauché.
Le maire connaît bien le Parti libéral au pouvoir à Québec pour avoir été lui-même candidat du PLQ aux élections provinciales de 2007 et 2008. Pour les élections provinciales de 2012 et 2014, c’est la conseillère municipale Louise Arpin qui s’est présentée pour les libéraux.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, Saint-Hyacinthe a choisi d’aller de l’avant avec la firme de Marc Bibeau même si une étude indépendante avait recommandé le seul autre projet.
La conférence de presse a été tenue seulement quelques jours après que les élus eurent pris connaissance de cette étude favorisant le projet d’un autre promoteur sur un site situé près de l’autoroute 20, un peu à l’est du projet actuel (voir autre article).
Le site malgré tout choisi par la Ville est situé en grande partie sur les terrains du centre d’achats Les Galeries de Saint-Hyacinthe, qui appartient à la famille Bibeau.
Même si le projet a été annoncé en grande pompe en février 2015, ce n’est qu’au cours des dernières semaines que les travaux de construction du centre des congrès ont commencé.
Liens étroits
La Ville semble avoir une très grande confiance en son partenaire.
Premièrement, elle a utilisé des plans commandés au Groupe S.M. par Les Centres d’achats Beauward pour un appel d’offres publié en mars.
Deuxièmement, la Ville n’a toujours pas conclu d’entente pour un bail emphytéotique avec le groupe de Marc Bibeau. Ce bail d’une durée de 40 ans doit permettre à la Ville de construire le centre des congrès sur le site du centre d’achats sans en devenir propriétaire.
Au terme du bail, le centre devrait se retrouver entre les mains de Centre d’achats Beauward si l’entente n’est pas renouvelée. Au départ, la Ville avait signifié son intention d’acheter le terrain au prix qu’elle fixerait elle-même.
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Une étude de la Ville favorisait un autre projet
Pourquoi la Ville de Saint-Hyacinthe est-elle allée à l’encontre d’une étude indépendante qu’elle a commandée et qui indiquait que le site d’un autre promoteur était mieux adapté?
Et pourquoi n’a-t-elle pas respecté ses conclusions si elle l’a commandée?
«On a eu des discussions à la suite du pointage qui a été fait et le conseil, unanimement, a pris la décision d’aller vers le site choisi, le site qu’on connaît aujourd’hui», répond le maire, Claude Corbeil, en citant une série de raisons.
Notre Bureau d’enquête a obtenu copie de cette étude d’opportunité pour un centre des congrès réalisée par la firme Lemay+DAA stratégies. Ce document confidentiel donne une note de 26 au projet M présenté par le Groupe Robin et de 23 au projet des Galeries Saint-Hyacinthe. C’est ce dernier site qui a été choisi par le conseil au terme d’un lac-à-l’épaule en février 2015.
«Cette analyse confirme que le site du projet M semble a priori mieux adapté au concept retenu pour un centre des congrès moderne, situé dans un environnement dynamique», lit-on pourtant dans le document.
Suggestions non retenues
Les auteurs de l’étude indiquent que le site du projet M obtient de meilleures notes pour l’accessibilité, l’emplacement, la visibilité, les caractéristiques du site et l’impact économique. Le site des Galeries Saint-Hyacinthe n’était en avance que pour deux critères, soit les activités et services à proximité, ainsi que l’urbanisme et la réglementation municipale.
Même s’ils favorisent le projet M, les auteurs font deux autres suggestions qui n’ont pas été retenues par la Ville. Compte tenu du faible écart de pointage entre les deux projets, il est recommandé de faire une analyse plus fine ou encore de faire un appel de projets auprès des deux promoteurs avec des critères bien précis.
Le vice-président du Groupe Robin, Jonathan Robin, s’est dit déçu des résultats, mais a affirmé qu'il a tourné la page et ne voulait pas commenter davantage. «À l’époque, la Ville pensait que ça irait plus vite d’aller au centre d’achats, mais ce n’est toujours pas commencé. On est déçus, surtout que notre site sortait favori.»
L’étude de la Ville
En revanche, l’analyse faite par le Service d’urbanisme de la Ville de Saint-Hyacinthe donne clairement l’avantage au site du centre d’achats proposé par la famille Bibeau. On y trouve 11 avantages en fonction du Plan d’urbanisme, contre seulement 3 pour le site du projet M.
On y lit notamment que cela consolidera le noyau urbain et la présence de services de proximité.
Par ailleurs, le service d’urbanisme voit moins d’inconvénients au projet du centre d’achats. Elle note, entre autres, les problèmes de circulation.
Extraits de l’étude
«D’un point de vue stratégique et touristique, sachant qu’en majorité, la clientèle proviendrait de l’extérieur, le site du Projet M est plus user friendly (sic) et offrirait l’environnement requis pour des services de niveau quatre étoiles (hôtellerie). Du point de vue du visiteur, qu’il soit en voyage d’affaires ou d’agrément, ce lieu exercerait un pouvoir d’attraction supérieur.»
«Nous croyons qu’un tel centre des congrès, qui est un projet structurant par sa nature même, requerrait une implantation qui lui est propre et dédiée, et qui offrirait la prestance requise afin d’assurer l’atteinte de ses objectifs de développement et de rayonnement, tout en assurant sa pérennité. L’idée de base ne doit pas être de poursuivre des objectifs de relance ou de consolidation d’un secteur commercial, mais bien de maximiser les chances de réussite d’un projet de centre de congrès renouvelé et très différent du centre précédent, qui devra se justifier à long terme par lui-même.»
«Jusqu’à la fermeture de l’Hôtel des Seigneurs, Saint-Hyacinthe occupait une part de marché respectable. En comparant les résultats de Saint-Hyacinthe avec ceux de l’ensemble des destinations membres de l’APCQ, nous constatons que Saint-Hyacinthe prenait une part de marché qui se situait autour de 6 % en 2011. Cette part avait cependant diminué en 2012, malgré une hausse pour l’ensemble des destinations.»
Raisons évoquées par le maire pour avoir retenu le site des Galeries St-Hyacinthe détenu par Marc Bibeau et sa famille:
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Marc Bibeau
♦ Travaux récents pour refaire la sortie 130 et construction d’un nouveau viaduc facilitant l’entrée dans la ville.
♦ Meilleur accès au centre-ville.
♦ L’importance que le nouveau centre des congrès soit près des installations déjà présentes comme le centre d’achats.
♦ L’habitude des congressistes de se rendre à l’endroit situé près de l’ancien Hôtel des Seigneurs.
♦ Proximité du Centre de foires où se tient notamment l’Expo agricole de Saint-Hyacinthe.
Photo courtoisie
Le nouveau centre des congrès financé par la Ville de St-Hyacinthe sera de 44 000 pieds carrés et comptera jusqu’à 36 salles de réunion. L’hôtel à côté, financé par les Centres d’achats Beauward qui appartient à la famille Bibeau, comptera 200 chambres. Le complexe sera construit sur le terrain des Galeries St-Hyacinthe, propriété de Beauward. Le projet sera implanté dans la zone rouge.
En quelques dates
♦ Fin mars 2014: Une entreprise à numéro dirigée par Marc Bibeau acquiert l’Hôtel des Seigneurs pour 7,5 millions $. Les employés sont alors en grève depuis plusieurs mois et l’établissement est fermé.
♦ 1er octobre 2014: Devant l’échec des négociations avec les employés, la compagnie de Bibeau entreprend des discussions avec la Ville pour démolir l’hôtel et modifier le zonage des terrains.
♦ 1er décembre 2014: Marc Bibeau enregistre son entreprise et plusieurs responsables des Centres d’achats Beauward comme lobbyistes pour un projet de complexe dédié au tourisme d’affaires.
♦ Janvier 2015: Une étude indépendante commandée par la Ville de Saint-Hyacinthe favorise un projet concurrent sur le site du projet M.
♦ 11 février 2015: La Ville de Saint-Hyacinthe annonce que le Centre des congrès sera construit sur le site des Galeries Saint-Hyacinthe, propriété des Centres d’achats Beauward.
Photo courtoisie
♦ Avril à décembre 2015: Démolition de l’ancien Hôtel des Seigneurs.
♦ Novembre 2015: La Ville présente un projet totalisant 65 millions $, dont 25 seront assumés par la municipalité pour construire le centre des congrès municipal. La Ville et les Centres d’achats Beauward s’engagent à trouver un opérateur commun.
♦ Décembre 2015: Un règlement d’emprunt est adopté par le conseil de Ville pour la somme de 23,6 M$. Une somme de 1,5 million $ sera financée à même le fonds d’administration.
♦ Mars 2016: Premier appel d’offres de la Ville de Saint-Hyacinthe visant notamment à déplacer des conduites et fils souterrains.
♦ Avril 2016: Début des travaux sur le site du centre d’achats et à proximité. Parallèlement, un autre projet baptisé Complexe Johnson est annoncé par la famille Bibeau pour construire des immeubles de bureaux sur le site de l’ancien Hôtel des Seigneurs.
♦ Automne 2017 : Ouverture prévue du centre des congrès et de l’hôtel.
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