Il arrive toujours un moment dans la vie d’un chef de parti, même parmi les plus intègres et visionnaires, où il se voit tiraillé entre les idéaux qui le stimulent et la nécessité d’obéir à des impératifs stratégiques. C’est sans doute ce contexte mitigé qui a poussé Pauline Marois à présenter son projet de loi controversé. Elle tente ainsi de marquer des points devant un Mario Dumont, perçu comme l’oreille de la classe moyenne, et un Jean Charest qui, après avoir créé la commission Bouchard-Taylor, n’hésite pas à en devancer les conclusions en modifiant la Charte des droits et libertés de la personne. Un vent de désorganisation tactique souffle manifestement sur l’Assemblée nationale.
Le projet 195, malgré son caractère improvisé, n’en recèle pas moins des aspects valables, dans un contexte où 40% de nos immigrants choisissent l’anglais et où ils se concentrent massivement dans la région métropolitaine, qui regroupe plus de la moitié de la population québécoise. En imposant un délai de trois ans à tout nouvel arrivant pour apprendre le français, le Québec se doterait d’un instrument privilégié afin de préserver sa langue et sa culture. Après tout, l’exigence de connaître ou d’apprendre la langue du pays pour en devenir citoyen s’applique aussi bien aux États-Unis, en Belgique, en Allemagne, qu’en Suisse ou en Australie. Pourquoi pas chez nous ?
C’est simple. Si le Québec s’est vu reconnaître comme une nation, il n’est pas pour autant devenu un pays. Malgré une entente particulière fédérale-provinciale favorisant le français, Ottawa donnera toujours en définitive le choix entre cette langue et l’anglais aux nouveaux arrivants. Comme la deuxième est la prédatrice naturelle de la première, la pertinence du projet de la chef péquiste ne devrait échapper à personne et, à défaut de faire l’unanimité, pourrait servir de base à des pourparlers plus constructifs que l’opéra en vingt tableaux auquel nous sommes contraints d’assister.
Ainsi, s’il devait exister, comme pour les Oliviers, un gala des Parizeaux soulignant, cette fois, les vertus discutables des belles-mères incontrôlables du PQ, nul doute que Bernard Landry serait en lice pour un Parizeau d’or. Il a cependant raison de mettre en garde Mme Marois contre le risque de retirer aux Canadiens qui ne maîtrisent pas le français le droit de se présenter aux élections québécoises, scolaires et municipales. Il est par contre légitime de se demander si M Landry a choisi de claironner d’abord son point de vue à La Presse plutôt que d’en débattre par le biais des instances démocratiques de son parti.
Comme si cette défection n’était pas suffisante, Henri Massé, de la FTQ, fait du pouce sur l’argumentaire de Landry en avouant son malaise devant le fait que des Canadiens de souche soient traités sur le même pied que des immigrants de fraiche date. De son côté, Claudette Carbonneau, de la CSN, a affirmé qu’une telle initiative ferait payer à d’autres le prix de notre indécision à devenir une « société normale », comprendre un pays.
Là encore, on se demande si Pauline Marois est à ce point intraitable que des alliés naturels du PQ doivent clamer publiquement leur dissidence. Nul doute qu’elle devra adoucir ses positions. Il serait cependant dommage qu’un tel projet de loi, si méritoire dans son principe, finisse torpillé autant par des adversaires que par des alliés.
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Olivier Kaestlé
Trois-Rivières
- source
Le gala des Parizeau
Le projet 195, malgré son caractère improvisé, n’en recèle pas moins des aspects valables, dans un contexte où 40% de nos immigrants choisissent l’anglais et où ils se concentrent massivement dans la région métropolitaine, qui regroupe plus de la moitié de la population québécoise.
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