Le festival de la boue

"seulement 28% des Québécois voteraient Oui" - Étonnant que cette donnée CROP n'ait pas fait le tour des UNES... Depuis quand les fédés ont-ils le triomphe discret? Depuis que la fiabilité des données est suspecte?


Ce fut le festival de la boue et de la poubelle.
Lancement incessant d'allégations de corruption non prouvées, comme si la présomption d'innocence n'existait plus au Québec.
Attaques personnelles en bas de la ceinture, ou au niveau du tour de taille d'un candidat.
Débats télévisés qui tenaient moins du choc des idées que d'une hargneuse querelle de famille entre gens qui se connaissent depuis trop longtemps et ne peuvent plus se sentir.
Le triomphe de la vulgarité, le tout évidemment renforcé par ce moulin à insultes qu'est Twitter. Un ancien député péquiste à Legault: «Tu nous a chier [sic] dans les mains...». Un candidat caquiste à propos de la loi 78: «C'est d'la marde!». Ainsi parle-t-on au pays de la loi 101.
Le triomphe, aussi, de l'impudence et de l'impolitesse. Jean-François Lisée qui usurpe le micro réservé à l'auditoire de François Legault et monopolise la moitié de la période de questions. Un candidat d'ON qui reprend le même truc dans une assemblée de Pauline Marois. Il ne manquait que le lancer de chaussures d'Amir Khadir.
Ne nous étonnons pas de ce que les deux seuls leaders qui ont récolté un succès d'estime soient deux figures nouvelles, Françoise David, enfin sortie de l'ombre de son co-porte-parole, et Jean-Martin Aussant, un parfait inconnu. Ils sont restés dignes et courtois. Une sérénité facilitée par le fait qu'ils avaient un défi modeste (gagner chacun dans sa circonscription) et qu'ils sont en dehors du grand jeu et de la vraie politique, laquelle est essentiellement une lutte pour le pouvoir - pas le pouvoir d'influence, mais le pouvoir d'agir.
Le pouvoir d'agir? Il risque bien, cette fois, d'échapper à chacun des trois principaux partis.
Le PLQ ne sera plus que l'ombre du grand parti qu'il fut naguère. Les matamores de la CAQ, de leurs banquettes d'opposition, en seront quittes pour taper sur la table et crier dans le vide en espérant une revanche prochaine.
Et Mme Marois n'aura guère le loisir de savourer la victoire douce-amère qu'annoncent les sondages. À la tête d'un gouvernement minoritaire, elle sera incapable de mettre en vigueur les aspects les plus controversés du programme péquiste, et se verra écartelée entre une opinion publique plus réfractaire que jamais à la souveraineté et un parti que la déception rendra plus fébrile et plus querelleur que jamais.
Jeu de balance classique: l'appui à la souveraineté baisse à mesure que le PQ s'approche du pouvoir (et vice-versa).
Le sondage CROP d'hier montre que seulement 28% des Québécois voteraient Oui - le plus bas taux depuis cinq ans -, et que 68%, dont 37% d'électeurs péquistes, ne veulent pas d'un référendum. Cette donnée est le marqueur le plus important, car par définition, si l'on souhaite vraiment l'indépendance, on souhaite le référendum qui en est le passage obligé.
Même majoritaire, un gouvernement péquiste ne pourrait guère envisager la tenue d'un référendum dans un pareil contexte. Minoritaire, il devra mettre la pédale douce sur ses projets de «gouvernance souverainiste» (provocations systématiques du Canada anglais, relance de la «guéguerre» avec Ottawa), car la population pourrait vite devenir excédée par cette replongée dans la mare aux chicanes et aux coups d'épée dans l'eau.
Un «bon gouvernement», alors? Pauline Marois, qui fut une ministre consciencieuse à la tête de trois ministères clés, pourrait certainement remplir la commande. Mais c'est sans compter ses troupes, ses purs et durs et ses ténors ambitieux, qui ne lui laisseront pas un moment de répit... et c'est sans compter les carrés rouges dont elle a étourdiment favorisé la montée et qui reviendront la hanter.


Laissez un commentaire



Aucun commentaire trouvé