Après des débuts très laborieux, le confinement en banlieue devient une réalité. Les dealers s’adaptent et développent la livraison à domicile, via les réseaux sociaux.
Cela n’aura pas été sans mal. À la Duchère, à Lyon, les affrontements entre jeunes et policiers chargés de faire appliquer le confinement ont duré une bonne partie de la soirée, le 16 mars. Dans le secteur des Hautes-Mardelles, à Brunoy (Essonne), où il y a eu de violentes émeutes en février, les policiers qui tentaient de vider les rues ont essuyé des jets de projectiles, le 19 mars. À la cité des fleurs, à Beauvais, le 24 mars, une policière de 23 ans a été gravement blessée à la tête par une brique, alors qu’elle intervenait avec ses collègues sur un attroupement d’une dizaine de personnes. Dans le quartier du Franc-Moisin, à Saint-Denis, une patrouille a été attaquée à coups de fusées de feux d’artifice tirées à l’horizontale, dans la nuit du jeudi 26 mars au vendredi 27 mars (les images sont spectaculaires, mais il n’y a pas eu de blessés).
Les banlieues ? Pas prioritaires pour Beauvau
Le 18 mars, selon le Canard enchainé, le secrétaire d’État Laurent Nuñez avait déclaré aux préfets de zones de défense, lors d’une visio-conférence, qu’il n’était « pas dans les priorités de faire respecter dans les quartiers les fermetures de commerces et de faire cesser les rassemblements ». De fait, les élus locaux ont semblé plus actifs que l’État. Le 23 mars, la maire PCF d’Aubervilliers, Meriem Derkaoui, a décrété le couvre-feu de 20H à 5H du matin. La préfecture lui a demandé de le retirer, faisant savoir que ce n’était pas « une réponse adaptée », sans bien expliquer ce qu’elle préconisait.
Le même jour, la maire de Vénissieux, Michèle Picard (également PCF), a rendu public un courrier adressé à la préfecture du Rhône, à qui elle demandait des renforts de police pour mettre fin aux parties de foot et aux barbecues en plein air, qui continuaient comme si de rien n’était. Elle n’en a pas eu.
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Alors que le mois se termine, les rues de certaines cités semblent néanmoins se vider.
Les pages Facebook des différents comités de quartier de Seine-Saint-Denis parlent d’un calme inhabituel à Aubervilliers, Saint-Denis ou Clichy. Les trafiquants ont visiblement quitté le terrain. Sous l’effet du confinement, les clients se faisaient probablement rares. Les affaires continuent, néanmoins. De nombreux comptes de dealers ont été ouverts ces derniers jours sur Twitter (Jogplug420, Calebweed, Tomyweed ou Shop_weed…). Ils proposent des livraisons à domicile, avec fils WhatsApp et numéro de téléphone pour passer les commandes (voir encadré). Le coronavirus pourrait bien accélérer le transfert du trafic depuis la rue vers internet.
Et bientôt, le Ramadan…
Il y a bien sûr des zones d’ombre. Difficile de savoir si le confinement est réellement appliqué à l’Ariane, cité des faubourgs de Nice, ou encore à Valdegour, quartier en déshérence de Nîmes. Dans cette plaque tournante du trafic de drogue régional, l’antenne du commissariat de police a fermé, faute de personnel pendant la crise du coronavirus. L’office public Habitat du Gard y avait déjà suspendu sa permanence le 12 mars. Quant à savoir ce qu’il se passe au sein des familles confinées… Le site du café pédagogique a mis en ligne plusieurs témoignages d’enseignants qui ne nourrissent aucune illusion sur la « continuité pédagogique » dans les familles dont les parents ne parlent pas le français.
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Prochaine échéance importante, le ramadan, grand moment de convivialité, de fêtes et de réjouissances collectives. Il commence le 24 avril. Vu les dix jours de retard à l’allumage pour le confinement, il devrait coïncider avec le pic d’intensité du Covid en banlieue.
C’est peut-être en prévision de cette échéance que la préfecture de Seine-Saint-Denis avait demandé à Aubervilliers d’annuler son couvre-feu, mesure d’exception à utiliser avec parcimonie. Elle pourrait se montrer utile en cas de ramadan agité.
Des exemples de propositions au grand jour, sur le réseau social Twitter