jeudi 27 janvier 2005
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Malgré certains efforts pour décentraliser les dépenses fédérales en recherche scientifique et en développement technologique, l'Ontario demeure toujours, dans ce dossier, le petit chouchou d'Ottawa. Des chiffres publiés cette semaine par Statistique Canada confirment en effet la domination écrasante de la province voisine.
En 2003, l'ensemble des dépenses fédérales dans tous les domaines des sciences et de la technologie a atteint 8 milliards de dollars. Ce montant comprend les dépenses en recherche et développement et en activités scientifiques connexes. Le calcul inclut ce que les experts appellent les dépenses " intra muros ", c'est-à-dire les activités scientifiques réalisées en propre par les ministères et agences du gouvernement, ainsi que les dépenses " extra muros ", qui servent à financer des activités réalisées pour le compte du gouvernement par des universités, entreprises, laboratoires privés, instituts de recherche et autres organisations spécialisées.
Une petite partie de ces 8 milliards, soit 284 millions, a été dépensée à l'étranger, principalement pour l'acquisition d'équipement. Il existe d'autre part quelques dépenses effectuées au Canada, mais qui ne peuvent pas être attribuées géographiquement, comme dans le cas de projets conjoints impliquant plusieurs provinces. Ces dépenses s'élèvent à 408 millions.
Il reste donc 7,3 milliards de dépenses pour lesquelles il est possible d'avoir une ventilation provinciale. C'est ce que montre le tableau.
Pour le calcul des dépenses scientifiques fédérales, la région de la capitale nationale, c'est-à-dire l'agglomération Ottawa-Gatineau, est considérée comme une entité distincte, et cela s'explique facilement: la concentration des activités fédérales en recherche et développement y est tellement importante que cette région, à elle seule, accapare plus du tiers des dépenses scientifiques du gouvernement, presque autant que les reste de l'Ontario et du Québec réunis. Il s'agit pour l'essentiel de dépenses intra muros, effectuées par un vaste éventail de 46 agences et ministères. Presque 85 % de ces dépenses sont effectuées du côté ontarien de la frontière. Nous y reviendrons.
Dans l'ensemble du Canada, les dépenses scientifiques fédérales ont augmenté de 43 % entre 1997 et 2003. Il s'agit en soi d'une excellente nouvelle. Pendant la même période, l'indice des prix à la consommation a augmenté de 14 %. Autrement dit, les engagements financiers du gouvernement dans la recherche scientifique et le développement technologique progressent trois fois plus vite que l'inflation. Le Canada a souvent été accusé, avec raison, de tirer de l'arrière dans ce domaine stratégique. Au rythme où il effectue son rattrapage, c'est de moins en moins vrai.
Le tableau fait par ailleurs ressortir une tendance très claire vers la décentralisation. Même si la région de la capitale continue d'engloutir la part du lion, la progression des dépenses y est nettement moins rapide que dans le reste du Canada. Cela signifie qu'en six ans, quelque 200 millions en dépenses scientifiques ont été déplacées de la région d'Ottawa-Gatineau vers les autres régions du Canada.
La Colombie-Britannique est la principale bénéficiaire de ce déplacement, mais le Québec améliore sensiblement sa position, avec une croissance supérieure à celle de l'Ontario et de la moyenne canadienne. Il est donc vrai de dire que le Québec, depuis six ans, obtient une plus large part des dépenses scientifiques fédérales.
Le portrait change radicalement en faveur de l'Ontario, lorsqu'on inclut la région de la capitale nationale dans le calcul.
Comme on l'a vu plus haut, 46 ministères et agences fédérales effectuent des travaux de recherche dans la région de la capitale, et l'ensemble de leurs dépenses scientifiques atteint 2,6 milliards. Ces organismes procurent 35 000 emplois dans la région; il s'agit dans bien des cas d'emplois prestigieux et bien rémunérés, dans des domaines aussi variés que l'agriculture, les technologies du bâtiment, la génétique, les sciences sociales. Il existe bien sûr des acteurs majeurs, comme le Conseil national de la recherche, Statistique Canada, le ministère des Ressources naturelles ou Santé Canada; à eux seuls, ces quatre organismes dépensent plus de 1,4 milliard en recherche et développement dans la région d'Ottawa-Gatineau.
Sur les 46 organismes en question, 32 effectuent leurs dépenses exclusivement du côté ontarien de la frontière, et seulement cinq du côté québécois. Les neuf autres conduisent des activités scientifiques des deux côtés. En termes de dépenses et d'emplois, Ottawa recueille 2,2 milliards et 32 000 emplois, comparativement à 400 millions et 3000 emplois pour Gatineau.
En fait, s'il fallait inclure la capitale nationale dans le calcul, les dépenses scientifiques fédérales au Québec passeraient de 1,2 à 1,6 milliard; en Ontario, de 1,6 à 3,8 milliards.
Une bonne façon de juger si une province ou une région reçoit plus ou moins que sa juste part est de chiffrer les dépenses par rapport à son poids démographique. Voici ce que cela donne.
Les quatre provinces de l'Atlantique comptent ensemble pour 7 % de la population canadienne, et reçoivent 7 % des dépenses scientifiques fédérales. Compte tenu de leur position excentrique et de la faiblesse de leurs infrastructures et équipements, cette région ne représente certainement pas un bassin naturel pour des activités de recherche et développement. On peut donc certainement penser qu'une bonne partie des dépenses scientifiques fédérales dans l'Atlantique tiennent davantage des subventions au développement régional.
Le Québec, avec 24 % de la population, recueille 22 % des dépenses. Ce n'est pas encore l'équilibre, mais ce chiffre reflète une amélioration constante depuis quelques années.
L'Ontario, de son côté, reçoit 52 % des dépenses scientifiques même si elle ne compte que pour 39 % de la population canadienne. Ce sont évidemment les dépenses massives à Ottawa qui font la différence. Avec un tel déséquilibre, la province voisine apparaît nettement comme un enfant gâté.
Enfin, les quatre provinces de l'Ouest font figure d'enfants pauvres. Ensemble, elles représentent 30 % de la population totale, mais seulement 18 % des dépenses scientifiques fédérales. L'Alberta, dans un secteur aussi stratégique pour son économie que les ressources naturelles, aurait d'excellentes raisons de se plaindre. Le personnel scientifique du ministère des Ressources naturelles compte 300 employés en Alberta, comparativement à 2400 en Ontario... dont 2200 à Ottawa!
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