Le Canada est tenu d’accueillir les réfugiés et de s’occuper d’eux jusqu’à ce que leurs dossiers soient traités en raison d’une convention internationale, mais pas de les garder.
« Un pays ne peut pas refouler les gens qui se présentent comme réfugiés. Le Canada doit continuer de les accepter, mais pas nécessairement de façon permanente, et leur donner l’opportunité de se présenter devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada. Ils pourront ainsi avoir la chance de démontrer qu’ils vivent dans la crainte d’être persécutés pour obtenir le statut de réfugiés », explique Laura Madokoro, spécialiste de l’histoire des réfugiés à l’Université McGill.
Cette obligation vient de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, à laquelle 160 pays, incluant le Canada, ont adhéré.
Pour pouvoir demander ce statut, les migrants ne passent pas par les douanes régulières, où ils seraient refoulés, mais par un passage irrégulier, comme le rang Roxham, situé à l’ouest de Saint-Bernard-de-Lacolle.
Obama
Par ailleurs, le président des États-Unis, Donald Trump, ne brise aucune convention en voulant renvoyer les Haïtiens dans leur pays d’origine puisque ceux-ci se sont fait accorder un privilège spécial par Barack Obama à la suite du tremblement de terre en 2010.
De plus, même si le Canada a la réputation d’être un pays accueillant ou ouvert, il ne l’est pas nécessairement plus que les autres puisque toutes les nations se basent sur la même convention. Tout le monde utilise plus ou moins les mêmes critères pour accepter ou non un réfugié, insiste Mme Madokoro.
Moins sollicité
« La définition est subjective, on peut l’interpréter différemment, mais ça se ressemble dans chaque pays. Tout le monde est sévère à peu près de la même façon », assure-t-elle.
Il faut aussi dire que le Canada est beaucoup moins sollicité que d’autres nations pour ce genre de demande en raison de sa situation géographique. Des pays d’Europe et les États-Unis reçoivent beaucoup plus de demandes que nous.
Parcours d’un migrant
1• À la frontière, il choisit s’il reste au Québec ou s’il part dans une autre province.
2• À son arrivée à Montréal, il est installé en centre d’hébergement.
3• Il doit se rendre au centre de Citoyenneté et Immigration Canada sur la rue Saint-Antoine pour obtenir une date d’audience devant un commissaire qui étudiera la recevabilité de sa demande d’asile.
4• Il fait une demande d’aide sociale qui sera traitée en 48 heures. Il obtient un premier chèque dans les huit jours suivants, s’il n’a pas les moyens de subsister.
5• Une fois son chèque d’aide sociale en poche, il peut se trouver un logement.
6• Plus d’un mois après son arrivée, il est reçu par un commissaire en immigration qui va traiter sa demande d’asile.
7• Le migrant peut faire une demande de permis de travail. La durée de traitement des dossiers n’est pas connue.
8• Environ six mois après son arrivée, le migrant reçoit une réponse sur sa demande d’asile. Si c’est positif, il peut faire une demande de résidence permanente au Canada. En cas de refus, il peut faire appel de la décision et rester dans l’attente durant des mois, voire des années.
Le YMCA, le Stade et Une école
Les réfugiés sont répartis dans une dizaine de centres à Montréal, dont les deux plus gros sont le YMCA de la rue Tupper et le Stade olympique qui comptent chacun 600 lits. Mais devant l’augmentation croissante des besoins, le gouvernement a déjà prévu d’installer 400 places dans l’école Saint-Raphaël. L’école anglophone d’Ahuntsic-Cartierville n’étant plus en usage, ses locaux pourront être réquisitionnés pour une période d’un an.
Les libéraux n’ont aucun plan selon l’opposition
OTTAWA | Le Parti conservateur accuse le gouvernement Trudeau de n’avoir « aucun plan pour contrer l’augmentation massive » des passages de migrants à la frontière canado-américaine.
« Nous savons depuis le début de l’année que ce problème n’allait qu’empirer au cours de l’été, peste la députée de Calgary Nose Hill, Michelle Rempel. Si cette dangereuse tendance de passages illégaux se poursuit, l’intégrité du système d’immigration du Canada sera remise en question par les citoyens, et avec raison. »
Selon Mme Rempel, l’afflux de migrants risque aussi de créer une pression accrue sur les systèmes de santé et d’aide sociale des provinces.
Pourquoi choisir le Québec ?
Les trois quarts des interceptions de migrants venus des États-Unis par les services frontaliers du Canada se font au Québec. Pourtant, la province n’est pas la seule à partager sa frontière avec les États-Unis.
« Selon moi, la vraie raison de l’afflux au Québec, c’est internet, dit Marjorie Villefranche, directrice de La Maison d’Haïti. Aujourd’hui, les réfugiés s’échangent leurs trucs sur internet : par où passer, que dire aux agents des douanes. »
Le Journal a pu le constater au point de passage irrégulier du rang Roxham, à Saint-Bernard-de-Lacolle. Malgré les menaces d’arrestation des policiers, les migrants n’hésitent pas à franchir la frontière.
Pour l’instant, pas d’appel à Trump
Le Canada n’est pas en droit de réclamer quoi que ce soit des États-Unis, disent des experts, même si la Ville de Montréal demande une intervention du gouvernement Trudeau.
« On demande au gouvernement canadien de faire entendre sa voix auprès des autorités américaines, parce que si cette situation nous arrive, c’est parce que le gouvernement américain n’a pas assumé ses responsabilités envers ces gens-là [les migrants haïtiens] », a dit hier Frantz Benjamin, président du conseil de la Ville de Montréal.
Responsabilité
Mais même si nos voisins sont en quelque sorte les instigateurs de la situation, tous les pays sont responsables de tous les réfugiés.
« Les gens quittent les États-Unis pour demander la protection du Canada, ils sont en droit de le faire, tout comme des gens pourraient partir du Canada vers les États-Unis. Si on dit que les États-Unis sont redevables, il faudrait dire que l’Iran, l’Afghanistan ou la Syrie le sont aussi », insiste Stéphane Handfield, avocat spécialisé en immigration.
ALENA
Il est également très difficile pour le gouvernement Trudeau d’intervenir dans les politiques internes américaines avec les négociations de l’ALENA qui arrivent bientôt, ajoute Christophe Cloutier-Roy, de la Chaire Raoul-Dandurand.
« Le gouvernement Trudeau a fait le pari de ménager l’administration Trump pour que ça se passe bien dans les renégociations de l’ALENA. Mais si celles-ci piétinent, si d’autres irritants surgissent, si les États-Unis demandent par exemple que l’on sécurise davantage notre frontière, peut-être que cet enjeu va devenir un irritant. Il se peut donc qu’à un moment donné on demande des comptes », mentionne-t-il.
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