Trois soldats britanniques sont morts dans le sud de l'Afghanistan jeudi, lorsqu'une bombe larguée d'un F15 américain appelé en renfort a explosé au mauvais endroit. Après le décès de deux soldats canadiens, plus tôt cette semaine, c'était au tour des Britanniques d'être victimes des talibans. À moins d'une révision en profondeur de la stratégie des alliés, cette guerre contre un ennemi invisible ne connaîtra pas de fin.
Tous les rapports indépendants le confirment: loin de s'atténuer, la résistance des insurgés talibans se renforce de jour en jour dans le sud de l'Afghanistan. Pis, elle s'étend désormais à des zones du pays qui avaient été nettoyées lors de l'invasion par l'armée américaine et ses alliés, en 2001. L'objectif taliban d'encercler Kaboul pour la reconquête n'est pas près de se réaliser, mais la victoire des forces gouvernementales assistées par les armées occidentales encore moins...
Les talibans sont plus décidés que jamais à chasser ces étrangers qui parlent de libération et de reconstruction. Des écoles nouvellement bâties sont détruites, les villages situés non loin de la capitale et dont les habitants sont plutôt favorables à Kaboul font l'objet d'attaques sporadiques qui causent des dizaines de morts civiles.
Il est impossible de déterminer le nombre de talibans, mais tout indique que de plus en plus de sympathisants venus d'Irak rejoignent leurs rangs en passant par le Pakistan. La population afghane elle-même paraît de moins en moins heureuse d'une présence militaire occidentale qui lui rend la vie difficile, sans les retombées économiques promises. Sans parler bien sûr des producteurs de pavot, petits et grands, qui sont prêts à appuyer quiconque leur permettra de poursuivre leurs activités traditionnelles. L'Afghanistan, rappelons-le, fournit encore et toujours plus de 90 % de l'héroïne de la planète...
Devant un tel portrait, les Canadiens et les Québécois ont raison de se poser la question de la pertinence de la mission militaire. Pour reconstruire ce pays détruit par des années de guerre intense, il faut d'abord le débarrasser des talibans qui revendiquent le retour d'une dictature théocratique islamiste à Kaboul. Or le fait que les Américains, qui ont commencé cette guerre, aient choisi d'envahir l'Irak a eu pour conséquence de détourner l'attention vers une mauvaise piste et de nuire à la mission afghane désormais confondue avec l'erreur américaine.
La mort, cette semaine, de deux autres soldats canadiens et de trois soldats anglais ramène la question de l'avenir de cette mission dont la pertinence semblait pourtant évidente en 2001. Sans perspective de victoire sur les forces talibanes à l'horizon, la mort de jeunes soldats paraît vaine et cruelle.
Jusqu'à ce jour, ni les autorités canadiennes ni celles des pays alliés n'ont réussi à brosser un tableau suffisamment convaincant de la situation pour entretenir l'espoir d'une victoire possible à moyen terme. Au contraire, l'impression très désagréable qui se dégage de ce bourbier est que le gouvernement Harper maintient sa politique dans le but premier de plaire à l'administration Bush, qui n'a jamais accepté le refus du Canada de participer à l'occupation de l'Irak.
Depuis le 11 septembre 2001, la lutte contre le terrorisme est redevenue nécessaire. Et compte tenu de l'importance de l'Afghanistan comme base opérationnelle pour l'organisation al-Qaïda, personne ne souhaite le retour au pouvoir des talibans dans cette zone du monde.
Malgré cela, il faut se rendre à l'évidence: l'approche actuelle des forces alliées conduit à l'échec. À moins d'un revirement de situation qui semble improbable et de l'implication prochaine beaucoup plus forte des pays alliés en zones de combat, le premier ministre Harper doit prévenir ces derniers que le Canada retirera ses troupes au plus tard à la date prévue de février 2009. Étant donné les pertes humaines considérables subies par les nôtres au cours de la dernière année, cette annonce ne peut souffrir aucun sursis. Sans une telle prise de position, les trois partis d'opposition devront faire front commun et renverser ce gouvernement.
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j-rsansfacon@ledevoir.com
Le Canada doit partir
À moins d'une révision en profondeur de la stratégie des alliés, cette guerre contre un ennemi invisible ne connaîtra pas de fin.
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