Le 16 octobre 1970… un triste anniversaire

Tribune libre

Suite à l’enlèvement de l’attaché commercial de Grande-Bretagne James Richard Cross par une cellule armée du Front de libération du Québec le 5 octobre 1970, à la lecture du Manifeste du FLQ à la télévision de Radio-Canada le 8 octobre, à l’enlèvement du ministre du Travail Pierre Laporte par une autre cellule felquiste le 10 octobre, la déclaration de la Loi sur les mesures de guerre entre en vigueur le 16 octobre à 4 heures du matin, à la demande du Gouvernement du Québec et de l’administration municipale de Montréal.
C’est l’État de siège, l’habeas corpus est suspendu, l’armée canadienne prend le contrôle complet du Québec, procède à 457 arrestations de citoyens considérés suspects, particulièrement des comédiens, chanteurs, poètes, écrivains, journalistes et syndicalistes, et s’installe en permanence pour assurer la protection des quartiers riches et des édifices gouvernementaux.
Aux termes de la Loi sur les mesures de guerre, le gouvernement fédéral déclare un état d’« insurrection appréhendée ». En application des règlements d’état d’urgence, le FLQ est frappé d’interdiction, les libertés normales sont suspendues, puis des arrestations et des détentions sans mise en accusation sont autorisées.
Dans son discours prononcé à la télévision de Radio-Canada, Pierre Elliott Trudeau explique les raisons pour lesquelles il applique la Loi sur les mesures de guerre en affirmant solennellement qu’il ne cédera pas aux demandes des ravisseurs de Pierre Laporte et de James Cross. Il estime qu’il est du devoir du gouvernement de s’y opposer. Il détaille ensuite les nouveaux pouvoirs accordés à la police et annonce également que les Forces armées canadiennes prêteront main-forte aux forces de l’ordre du Québec.
Voici un extrait révélateur du message à la nation prononcé par Pierre-Elliot Trudeau en ce 16 octobre 1970 :
« Ce qui s’est produit à Montréal, au cours des deux dernières semaines, n’est pas sans précédent. Cela est arrivé ailleurs dans le monde à plusieurs reprises, et pourrait se produire dans d’autres régions du pays. Mais les Canadiens ont toujours cru que de tels événements ne pourraient survenir ici; c’est pourquoi nous en sommes si bouleversés. Notre présomption était peut-être naïve, mais elle s’expliquait aisément, parce que la démocratie est solidement enracinée chez nous, et parce que nous avons toujours attaché le plus grand prix à la liberté individuelle. En dépit de ce climat — et peut-être en partie à cause de lui —, voici qu’il suffit de quelques exaltés pour nous révéler à quel point peut être fragile une société démocratique lorsque la démocratie n’est pas préparée à se défendre, et combien peut être vulnérable au chantage un peuple foncièrement humain et tolérant. »
Deux éléments essentiels doivent retenir notre attention dans cet extrait : d’abord, la référence de Trudeau à la fragilité de notre système démocratique alors qu’il vient de bafouer les règles élémentaires de la démocratie par l’imposition de sa Loi sur les mesures de guerre qui vient suspendre les libertés individuelles et emprisonner par centaines des citoyens sans mandat, sans accusation et sans la moindre explication, ensuite le côté flagorneur du politicien chevronné lorsqu’il fait « habilement » allusion à un « peuple foncièrement humain et tolérant ».
Suspendre d’un trait de plume les libertés conquises au long des siècles n’arrive généralement pas dans nos démocraties, et si cela arrive, c’est que le gouvernement en place en a convaincu l’opinion publique de façon claire et irréfutable. Les gouvernements aiment bien que leurs gouvernés oublient, cela leur donne carte blanche pour les années à venir. C’est pour cette raison que j’ai cru bon vous rappeler ce triste anniversaire… pour ne pas oublier… jamais!
Henri Marineau, Québec

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Né dans le quartier Limoilou de Québec en 1947, Henri Marineau fait ses études classiques à l’Externat Classique Saint-Jean-Eudes entre 1959 et 1968. Il s’inscrit par la suite en linguistique à l’Université Laval où il obtient son baccalauréat et son diplôme de l’École Normale Supérieure en 1972. Cette année-là, il entre au Collège des Jésuites de Québec à titre de professeur de français et participe activement à la mise sur pied du Collège Saint-Charles-Garnier en 1984. Depuis lors, en plus de ses charges d’enseignement, M. Marineau occupe divers postes de responsabilités au sein de l’équipe du Collège Saint-Charles-Garnier entre autres, ceux de responsables des élèves, de directeur des services pédagogiques et de directeur général. Après une carrière de trente-et-un ans dans le monde de l’éducation, M. Marineau prend sa retraite en juin 2003. À partir de ce moment-là, il arpente la route des écritures qui le conduira sur des chemins aussi variés que la biographie, le roman, la satire, le théâtre, le conte, la poésie et la chronique. Pour en connaître davantage sur ses écrits, vous pouvez consulter son site personnel au www.henrimarineau.com





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