Le ministre fédéral de l'Environnement, Jim Prentice, a attaqué très durement le règlement québécois sur les émissions des voitures. En soi, c'est surréaliste: depuis quand un ministre fédéral, chargé de protéger l'environnement, reproche-t-il à une province de trop en faire?
On devine pourquoi. Les relations entre les deux gouvernements ne sont pas bonnes depuis que Jean Charest a vertement critiqué Stephen Harper à Copenhague. Les conservateurs, qui tolèrent mal l'opposition, retournent la politesse. Mais le malaise est plus profond.
Le ministre Prentice n'y est pas allé avec le dos de la cuiller dans son discours à Calgary, lundi. «Un des exemples les plus flagrants de la sottise de tenter d'y aller seul dans une économie nord-américaine intégrée, c'est le nouveau règlement unique sur les véhicules introduit au Québec. Ce règlement portera tout naturellement les consommateurs à acheter leur véhicule ailleurs dans le but d'éviter des taxes pouvant atteindre 5000$.»
La sottise était plutôt dans le discours. La taxe n'est pas de 5000$, mais de 50$ pour chaque point de pourcentage de dépassement des normes d'émission. Et surtout, le Québec est loin d'être seul. Il applique les normes californiennes, adoptées par 15 États américains, qui comptent pour 40% du marché. D'autres provinces et d'autres États s'apprêtent à suivre le mouvement.
Ce qui agace M. Prentice, c'est que le Québec aille à l'encontre de la doctrine canadienne d'alignement total avec Washington. M. Prentice a annoncé officiellement la semaine dernière ses cibles dans le cadre de l'accord de Copenhague: une réduction de 17% des GES d'ici 2020 à partir du niveau de 2005. C'est peu, mais c'est comme les É.-U.. «Nous avons ajusté notre cible précédente afin qu'elle corresponde exactement à celle que les États-Unis viennent d'annoncer.» Le Canada justifie la nécessité de cette harmonisation totale, qui le prive de sa souveraineté, par l'intégration des deux économies.
On ne voit pas pourquoi cette intégration exige que les deux pays aient des normes environnementales identiques. Plein de raisons pourraient justifier que le Canada ait des cibles plus ambitieuses: ses valeurs, ses relations avec d'autres pays, ou encore le désir de développer une expertise environnementale.
Mais surtout, le raisonnement ne tient pas la route justement parce que la Californie et d'autres États ont choisi de s'imposer des normes plus sévères. S'il n'y a pas de normes uniques au sein même des É.-U., comme c'est déjà le cas, le concept même de normes uniformes à l'échelle du continent perd son sens.
On en revient toujours au même problème. Les arguties du gouvernement conservateur servent à justifier une stratégie de la tortue, qui vise essentiellement à protéger le développement des sables bitumineux.
Avant d'aller plus loin, une parenthèse pour les esprits simplistes. On ne demande pas à Ottawa de mettre la clé dans la porte. Nous avons hélas! besoin de ce pétrole sale, pour la croissance économique, pour combler les besoins énergétiques. Mais il faut en réduire l'impact négatif en freinant sa croissance, en imposant des normes d'émission sévères, en mettant sur pied des mécanismes de compensation.
Ce rôle de contrepoids devrait être joué par le ministre fédéral de l'Environnement. Mais le Canada n'en a plus. M. Prentice est pratiquement un ministre du Commerce! Il appuie «l'expansion continue de l'industrie des sables bitumineux en Alberta», il applaudit aux nouveaux projets, il est très satisfait du «travail très positif qu'accomplit l'industrie».
Pas d'avertissement, pas de critique, même pas une petite gêne. Sa seule grosse inquiétude, c'est que les sables bitumineux ont un problème d'image. Je n'exagère pas. Lisez son discours, sur la page d'accueil du site de son ministère, www.ec.gc.ca. C'est un morceau d'anthologie.
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