Laïcité et Charte des valeurs québécoises

La vallée des avalés

Tribune libre

Plusieurs vallées sont réputées, d’autres sont imaginaires. On connaît bien, par exemple, la Vallée du Saint-Laurent berceau de la culture québécoise, la Vallée du Richelieu, berceau des victoires Patriotes qui luttaient pour la démocratie, la liberté, l’égalité, l’indépendance et la laïcité.
On connaît aussi la Vallée des réputations, qui, si l’on s’y promène un peu, nous dit : « Fais attention à toi mon amie ; De dangers la forêt est remplie ; Parfois l'attaque et parfois le repli ; À quoi bon être enfermés tous les deux ; Les amoureux qui sont en prison ; Et la vallée des réputations ; La vallée des petites maisons ; Fais attention petite fleur ; Il faut savoir retenir ses pleurs ; Bonheur trop souvent ressemble au malheur. »
Bref, une vallée où la réputation, la richesse, le paraître semble plus important que l’être. Une vallée parsemée de gens, de loups, de dangers où la liberté semble fragile, où l’amour est prisonnier, où la femme semble attaquée et encouragée à se replier dans sa prison. Où une perception de bonheur peut facilement se confondre à une réalité de malheur qu’il ne faut pas exprimer. Où les conflits sont réels mais ignorés, abrités par de petites maisons, par des réputations, des trahisons…
Maintenant, connaissez-vous la Vallée des avalés ? C’est aussi une vallée dans laquelle plusieurs conflits s’expriment. Des conflits religieux et sociaux ainsi qu’internationaux et familiaux entre des gens qui ont du charme, des gens qui ont une fierté, des gens qui ont des valeurs et qui vivent en pleine Révolution tranquille. En plein dans une ère où des féministes tel Marie Gérin-Lajoie, Thérèse Casgrain, Janette Bertrand, Lise Payette, s’élevèrent. En plein dans une ère où le nationalisme québécois se définissait à travers des Pierre Bourgault, Jean Lesage, Paul Gérin-Lajoie et René Lévesque. Dans la Vallée des avalés, nous sommes en pleine révolution, en plein conflit entre de grands idéaux conservateurs et progressistes. Entre de grands idéaux religieux et laïques. Entre des grands idéaux individualistes et collectifs.
Une grande vallée qui, si l’on s’y promène un peu, nous dit que « pour être libre, il faut tout détruire ». Une vallée qui nous montre un peu l’absurdité du multiculturalisme en le critiquant avant son temps et en le caricaturant au sein d’une même famille juive et catholique fondamentaliste rebelle ou frère et sœur ne partagent pas la même religion, mais s’aiment d’une folie pornographique. Une vallée cacophonique et où le capharnaüm fait foi de tout. Où l’exil voisin et lointain se veut un faux baume face à l’autorité familiale.
Or, l’idée, c’est de sortir de cette vallée chaotique afin d’éviter d’être avalés par des conservatismes et des intégrismes religieux. « Qui n’est pas avalé par un évêque, un général, un juge, un roi, et un riche ? Donc tout incorporer. Mais j’aime mieux détruire. »
Aujourd’hui, nous sommes toujours prisonnier de la Vallée des avalés, qui n’est pas avalé par un conservateur, un intégriste, un fondamentaliste s’ils séduisent et avalent même des gens se disant progessistes et à gauche sur le spectre des idées? Comment se fait-il que des Michèle Sirois, Leila Lesbet, Lucie Martineau, Djemila Benhabib, Agnès Maltais et Pauline Marois, qui poursuivent l’œuvre féministe des Gérin-Lajoie, Casgrain, Bertrand et Payette, soient aujourd’hui perçue de droite alors qu’elles ne font que tenir le fort féministe et progressiste de jadis en évitant de se faire avaler et en nous invitant à quitter cette vallée ?
Pourquoi y a-t-il, sur la gauche du spectre des idées, des progressistes avalés par des conservatismes inégalitaires, avalés par des intégrismes religieux et avalés par un individualisme abusif?
Qui est l’Avalée des avalés ?
Moi je ne le suis pas, parce que moi je rêve.
Le monde est-il vraiment à pleurer ?
Je ne l’espère pas ni ne m’attends à ce qu’il le soit.
Souhaitons l’inespéré et l’inattendu.
Quittons cette vallée avant qu’on nous avale.
Quittons vers la laïcité.


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