Hier midi, les quatre députés du Bloc québécois qui ont survécu à l'hécatombe du 2 mai dernier avaient été invités à déjeuner avec leurs cousins péquistes, réunis en caucus à Saguenay. Pauline Marois a expliqué le plus sérieusement du monde qu'il importait d'élaborer une stratégie commune en prévision des rentrées parlementaires à Québec et à Ottawa.
Ces caucus conjoints avaient un sens à l'époque où le Bloc représentait une force politique. Lui consacrer un précieux temps au moment où le PQ vit la pire crise existentielle de son histoire en dit long sur son refus de regarder la réalité en face.
«Il faut revenir aux questions de base», a également dit Mme Marois. Le traitement réservé aux personnes âgées ou les problèmes de circulation kafkaïens que vivent les automobilistes montréalais méritent indéniablement l'attention des parlementaires, mais encore faudrait-il que le PQ soit encore en vie pour s'en occuper.
Mme Marois a feint l'indifférence, mais le président démissionnaire de Montréal-Centre, Atim Leon, a parfaitement raison: le PQ se dirige tout droit vers un «mur électoral historique». Même après avoir passé l'été dans leur comté, certains députés ne semblent pas vraiment conscients de l'ampleur du désastre. Dans l'état actuel des choses, combien des 46 députés élus en décembre 2008 conserveraient leur siège si des élections étaient déclenchées? Deux? Trois? Cinq?
À l'entrée du caucus, plusieurs se sont défoulés sur Pierre Curzi, ce pelé, ce galeux d'où est venu tout leur mal, et, dans une moindre mesure, sur Bernard Drainville, qui n'a pas réservé la primeur de ses propositions à ses collègues. Ces gens-là veulent pouvoir voter librement, mais il leur faut se taire.
Quant à Pauline Marois, qui mène cette descente aux enfers tambour battant, elle a été applaudie à tout rompre. Surréaliste. On peut apprécier diversement l'opportunité de tenir des états généraux sur la souveraineté, mais personne ne peut raisonnablement penser que, après avoir précipité la chute du Bloc québécois en qualifiant Jack Layton de «crosseur», Gérald Larose est l'homme de la situation. À quoi Mme Marois a-t-elle donc pensé?
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Même si les problèmes du PQ ne tiennent pas uniquement aux lacunes de Mme Marois, plusieurs estiment que son départ pourrait faire partie de la solution. Le PQ aura beau se donner le meilleur programme de gouvernement, cela ne donnera rien si la population ne veut rien savoir de sa cheffe.
Il faudrait toutefois qu'elle décide elle-même de tirer sa révérence sans faire d'histoire, comme l'avait fait Daniel Johnson en 1998. Or elle n'est pas le moindrement disposée à partir, bien au contraire. Elle a clairement dit à ses députés que, sans elle, le PQ était fichu et elle le croit sans doute sincèrement. Dès lors, elle n'a pas seulement le goût, mais aussi le devoir de rester. On peut lui reprocher bien des choses, mais certainement pas de manquer de détermination.
Elle dispose également, au sein du caucus et dans le personnel politique du parti, d'une garde rapprochée qui la défendra férocement. Une tentative de putsch tournerait carrément au bain de sang. Pierre Curzi peut bien s'agiter à l'extérieur, mais personne à l'intérieur ne voudra s'y risquer.
Pour redonner à son parti la cohésion qu'elle dit rechercher, Mme Marois devra néanmoins faire un geste de nature à calmer ses détracteurs. Renvoyer le débat sur la démarche vers la souveraineté à d'éventuels états généraux, avec ou sans M. Larose, ne suffira sans doute pas.
M. Drainville, à qui on prête toujours de sombres arrière-pensées, en a peut-être indisposé certains avec son spectacle solo, mais ces derniers devraient savoir passer outre à leur susceptibilité et évaluer ses propositions au mérite. Il faudra bien trouver une porte de sortie à cette crise.
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À première vue, on pourrait voir, dans le référendum d'initiative populaire, une condamnation de la «gouvernance souverainiste», si chère à la cheffe péquiste, donc une atteinte à son leadership.
Lors d'un face-à-face mémorable avec Marc Laviolette, lors d'un conseil national tenu à Saint-Hyacinthe en mars 2008, Mme Marois avait rejeté catégoriquement cette idée, dont le SPQ Libre avait fait son cheval de bataille.
À l'époque, il était important pour elle d'affirmer son autorité, que le SPQ Libre contestait presque ouvertement. En réalité, la formule qu'il proposait ne limitait en rien son contrôle sur l'échéancier référendaire, qu'elle a parfaitement raison de vouloir conserver.
Selon le modèle utilisé dans divers pays, il suffit qu'un certain pourcentage d'électeurs signent un registre prévu à cet effet pour déclencher le processus référendaire, que cela plaise au gouvernement ou non.
En 2008, le SPQ Libre proposait toutefois que le gouvernement dépose, au moment où il le jugera bon, son projet de loi qui instituerait le référendum d'initiative populaire. On ne pourrait donc pas lui forcer la main. Il était également prévu que le gouvernement conserverait la prérogative de déclencher un référendum de sa propre initiative s'il le désirait. S'il n'en veut pas, il n'y en aura pas. Où donc est le problème?
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mdavid@ledevoir.com
La sortie de secours
Mme Marois a feint l'indifférence, mais le président démissionnaire de Montréal-Centre, Atim Leon, a parfaitement raison: le PQ se dirige tout droit vers un «mur électoral historique».
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