Jean-Pierre Arrignon est historien et spécialiste de la Russie. Il donne au Courrier de Russie son avis sur la crise ukrainienne, quelques jours avant sa conférence du 9 septembre, « La Russie et l’Ukraine de Byzance à nos jours : Permanence et rupture », dans les locaux du Courrier de Russie à Moscou.
Le Courrier de Russie : Quel est votre avis sur la situation en Ukraine ?
Jean-Pierre Arrignon : La situation en Ukraine est dramatique et rappelle tristement les pires pages de l’Irlande du Nord de jadis. Les guerres civiles sont toujours les plus cruelles et celles qui laissent les blessures les plus difficiles à assumer. 2600 morts et plus d’un million de réfugiés, ce lourd bilan devrait rassembler l’ensemble des forces politiques européennes et onusiennes pour imposer un cessez-le-feu et engager des négociations. Or les appels de Ban Ki-moon en ce sens sont étouffés par les Européens et les Américains obnubilés par leur volonté de punir la Russie et son Président, rendus responsables de la situation. Un seul mot d’ordre : « Des sanctions ! et renforcer la présence militaire de l’Otan ! » On se croirait revenu au 19ème siècle ! Il est urgent de sortir de ce rapport dialectique primaire du dominant au dominé. Il faut considérer tous les intervenants y compris la Russie et l’Ukraine comme des partenaires pour, ensemble, construire une nouvelle Ukraine. La tâche est rude certes mais espérons que la nouvelle équipe européenne qui va entrer en fonction, porte enfin une politique qui soit uniquement européenne !
LCDR : Comment selon vous en est-on arrivé là ?
J.-P. A. : C’est en fait l’aboutissement d’un long processus qui trouve ses origines dans la fin de l’URSS. Jamais depuis lors, l’Ukraine n’a réussi à vraiment constituer une classe politique de gouvernement. Ses présidents successifs étaient plus des chefs de clans préoccupés par leur enrichissement personnel que des hommes d’état. Dans ce contexte délétère, les lourds héritages des deux premières guerres mondiales ont été instrumentalisés pour remplir un vide politique débouchant sur une grave crise sociale. Les Européens n’ont pas perçu ce schéma d’évolution et leurs interventions ont radicalisé un peu plus les clans les plus extrêmes ; le résultat est la guerre civile.
LCDR : Quels sont vos pronostics ?
J.-P. A. : Il faut que chacun se ressaisisse. Le pouvoir ukrainien doit comprendre qu’il ne pourra sortir de la crise par la force des armes : on n’oublie pas rapidement 2600 tués et plus d’1 million de réfugiés ! Il faut que la nouvelle équipe européenne prenne le dossier ukrainien à bras le corps et ne se borne pas à suivre la stratégie américaine. Il faut que la Russie continue à montrer son engagement à sortir de la crise ukrainienne en partenariat avec l’Europe. Si chacun respecte l’autre ; si l’on abandonne la dialectique du maître et de l’élève, il y a de l’espoir pour l’Ukraine.
La conférence du professeur Arrignon « La Russie et l’Ukraine de Byzance à nos jours : Permanence et rupture » se tiendra le 9 septembre dans les nouveaux locaux du Courrier de Russie, 10/1 rue Milioutinski (Métro Loubianka ou Tchistie Proudi) à partir de 18h30 et se déroulera en français.
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé