Pour certains indépendantistes, le Bloc a consommé la trahison en appuyant
la coalition PLC-NPD. Comment! le Bloc accepte que le père de la Loi sur
la clarté soit, pour quelques mois, Premier ministre! Et, non content, il
l’appuie? Vite, enlevez-moi ma chemise,que je la déchire! Elle l’est
déjà? Pas grave, je recommence!
Il existe des gens qui ne voient jamais plus loin que l’image de leur
désir ni à côté. Parce qu’ils sont indépendantistes québécois, ils se
croient obligés de penser la réalité en termes strictement binaires et
simplistes. Le contexte et la situation, cela n’existe pas à leurs yeux.
Ils ne peuvent même pas se rendre compte que la vie n’est pas
unidimensionnelle. Ils ne réalisent pas que, tant que le Québec fait
partie du Canada, tout gouvernement de ce dernier qui le sabote atteint
forcément le Québec. À leurs yeux, il y a le Bien absolu d’un côté et le
Mal absolu de l’autre; les méchants d’un bord, les bons de l’autre; il ne
faut jamais s’allier aux méchants temporairement, même lorsque cela en
empêche de plus méchants encore de nous nuire. Pour arriver à
l’indépendance, ils se contentent de sacrifier au Yaka.
Vous ne connaissez pas le Yaka? Yaka crier partout, tout le temps : «Vive
l’indépendance du Québec!» pour qu’elle se produise. Le Bloc est à Ottawa
pour que ses députés, debout sur leur pupître, hurlent constamment «Vive
l’indépendance du Québec!»; que les députés, militants et chefs des
formations indépendantistes sautent comme des cabris en psalmodiant : «Vive
le Québec indépendant!» pour que la chose arrive comme la manne dans le
désert. Leurs incursions dans les arcanes de la politique, leurs idées,
leur stratégie, leurs sentiments, leur imagination s’arrêtent à ce
leitmotiv, auquel ils attribuent des vertus magiques. Même Victor-Lévy
Beaulieu, à qui la voix de la sagesse romancière aurait dû apprendre la
complexité de la vie, s’en tient à ce cri primal : le Bloc soutient une
coalition fédéraliste, dirigée par Stéphane Dion par-dessus le marché, donc
le Bloc a trahi.
Si l’indépendance sortait des mantras comme la balle sort de la carabine,
elle serait advenue depuis longtemps, car les moulins à prière automatiques
de cette secte ne manquent pas de soufflerie. Comme les lecteurs de
Tintin, on en trouve de 7 à 77 ans.
Vous ne me croyez pas? Alors lisez, par exemple, bien des tribunes dans
Vigile, sans oublier (surtout) les commentaires. Vous découvrirez vite la
force mortifère de la secte Yaka. Elle aime tellement son dieu qu’elle
risque de l’étouffer. Il en est de l’idéal comme de l’amour : qui trop
embrasse mal étreint.
Raymond Poulin
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --