On a découvert une nouvelle tare chez les Québécois, ils sont frileux, ils ont peur du changement. C’est drôle à entendre alors qu’ils ont traversé sans se plaindre plusieurs réformes de structure en santé. De toute évidence ces réformes n’ont pas réussi, mais on ne peut pas blâmer la résistance des citoyens, les syndicats, ni même de la bureaucratie pour ces échecs. On les a abandonnées parce qu’elles ne fonctionnaient pas, on a réalisé qu’elles ne permettraient pas de réduire les coûts du système.
Maintenant les citoyens devraient applaudir à une nouvelle réforme et sans demander pourquoi cette nouvelle réforme allait réussir. En fait, ceux qui parlent d’une résistance au changement sont ceux qui croient que la seule solution c’est la réduction des services. Les gouvernements hésitent à proposer des coupures sévères dans les services parce qu’ils comprennent qu’à cela il y a une forte résistance, qui n’a rien à voir avec la peur du changement. C’est le refus d’un appauvrissement.
Les syndicats ont peut-être eu pendant deux décennies un pouvoir économique et politique un peu exagéré au Québec, il faudrait en revenir. La multinationalisation leur a coupé l’herbe sous le pied dans tout le secteur manufacturier. Le pouvoir politique des syndicats s’est aussi effondré. Ce pouvoir était lié à la présence de syndicalistes et de progressistes au sein des gouvernements péquistes, et même libéraux dans la foulée de la révolution tranquille. Il ne leur reste pratiquement que leur droit de parole pour défendre leurs convictions, on ne peut quand même pas leur enlever.
Aujourd’hui, les gouvernements sont fortement dominés par la présence et l’influence des milieux d’affaires et des riches contribuables. Le défi des gouvernements ce n’est plus de tenir tête aux syndicats, c’est d’obtenir les votes d’une population mieux instruite et mieux informée, alors que leurs décisions sont plutôt déterminées par les intérêts d’une classe limitée de la population.
Il serait temps de se demander si on n’a pas fait le tour des solutions possibles dans les changements organisationnels. Il faut cesser de croire qu’il y a une solution miracle liée à l’organisation des soins. Les coûts du système explosent parce que la santé c’est payant.
On a compris depuis longtemps que les gens sont prêts à tout donner pour vivre en santé, retrouver la santé ou rester en vie. Tous les professionnels et tous les entrepreneurs liés au système de santé privé américain n’ont pas été gênés d’exploiter cette dépendance humaine. Ici le système public a pu protéger les citoyens pendant longtemps des profiteurs. Puis est venu l’époque où la profitabilité sans limite est acceptée et même valorisée, les monopoles et toutes les formes de collusion sont tolérés.
Le Québec a ouvert la porte plus largement à la médecine privée ce qui crée une forte pression sur le coût des ressources dans le secteur public. Les citoyens qui n’ont pas vraiment de contraintes budgétaires se tournent vers le privé qui attire les employés du secteur public. Plus généralement, avec le laisser-faire économique généralisé, les prix des équipements, du matériel médical et des médicaments explosent. Pour empirer les choses, on a eu comme ministres des médecins qui trouvent normal de profiter de la dépendance des gens et qui ont accordé aux médecins spécialistes des hausses de salaire sans bon sens. C’est impossible de contrer ces pressions à la hausse sur les coûts en essayant de rendre l’organisation des soins plus efficace.
Ce qu’il faut, c’est de s’attaquer au vrai problème, les systèmes de collusion qui exploitent le caractère essentiel des soins de santé. Ce n’est pas facile pour le Québec d’aller à l’encontre d’un système nord-américain et même mondial. On l’a fait avec l’assurance médicament, l’obligation de prioriser les médicaments génériques et les politiques d’achats regroupés. On peut aller beaucoup plus loin. La taxation des profits est théoriquement une bonne façon de s’attaquer aux profits exceptionnels mais les grandes entreprises transnationales peuvent facilement déclarer leurs profits ailleurs.
C’est pourquoi développer le plus possible de fournisseurs locaux est une avenue intéressante. Un des obstacles majeurs pour les nouveaux venus sur les marchés internationaux ce sont les barrières à l’entrée. Le gouvernement du Québec a les moyens d’aider des entreprises québécoises à se faire une place et il peut exiger en contrepartie des prix normaux pour les acheteurs québécois. La vulnérabilité des citoyens face à l’industrie de la santé en fait un secteur stratégique où le gouvernement est justifié d’intervenir. En principe notre marché local est trop étroit pour faire vivre des entreprises spécialisées, nos entreprises doivent exporter, mais compte tenu de notre main-d’œuvre limitée il faut prévoir que les activités de fabrication, peu rentables, soient réalisées à l’étranger.
Par ailleurs, Richard Martineau, commentateur chevronné au Journal de Montréal, se désole de l’incohérence des Québécois qui ne veulent pas se priver de services publics mais qui ne veulent pas payer plus d’impôt. On peut le comprendre mais il y a là quand même un fond de sagesse populaire. Le langage des politiciens ne tient pas debout. Les statistiques officielles le disent, les riches deviennent de plus en plus riches. Les médecins spécialistes vont gagner beaucoup plus cher mais vous devrez attendre douze mois pour faire voir vos cellules cancéreuses, le temps de mourir.
De plus, en vingt ans on n’a pas entendu parler d’une hausse des impôts au Québec. Depuis 2003 on a toujours dit que c’était important pour s’enrichir collectivement de baisser les impôts, maintenant on en voit le résultat. En fait le fédéral a baissé les impôts et réduit les transferts aux provinces en éducation et en santé. N’est-ce pas l’occasion pour le Québec d’accroître l’impôt provincial, pour compenser la baisse fédérale, et contrer en partie les hausses de coût en santé.
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