Le Québec est devenu la république des enquêtes sur les enquêtes policières et ça n’a pas l’air de déranger nos élus.
Songez à tout ce qui s’est passé depuis trois ans et demi.
Vous vous souvenez ? Mars 2016. C’était jour de budget à Québec, mais l’Unité permanente anticorruption (UPAC) a pris toute la place médiatique : l’ex-vice-première ministre Nathalie Normandeau était arrêtée. En même temps qu’un ancien ministre libéral et poids lourd politique du parti, Marc-Yvan Côté.
Un « pur hasard », avait dit à l’époque Robert Lafrenière, commissaire de l’UPAC.
Pur hasard qui avait mis une énorme pression sur le gouvernement de Philippe Couillard et plus ou moins forcé le renouvellement du mandat du commissaire.
On aurait en effet pu voir comme une punition un non-renouvellement tout juste après ces deux arrestations sans précédent dans l’histoire politique moderne.
J’ai défendu Robert Lafrenière dans ces pages. J’estime encore que le bilan de l’UPAC est majeur (surtout au niveau municipal, cela dit). Mais trois ans et demi après l’arrestation de Nathalie Normandeau, il y a trop de zones d’ombre pour ne pas s’inquiéter de la conduite de ces enquêtes.
Je rappelle que, autre « pur hasard » sans doute, M. Lafrenière a annoncé sa démission avec fracas de son poste de commissaire le jour des élections provinciales l’an dernier – effective un mois plus tard. Le tout sans jamais fournir la moindre explication.
Ça commence à faire pas mal de coïncidences à saveur politique. Assez en tout cas pour qu’on s’interroge sur le jeu politico-policier du chef de la lutte contre la corruption au Québec.
Lafrenière est remplacé par intérim par Frédéric Gaudreau, et le poste est officiellement ouvert depuis cet été.
Et voilà qu’on apprend, à la veille du long week-end de la fête du Travail (c’est fou, les hasards), un dégonflement partiel des accusations contre Nathalie Normandeau, Marc-Yvan Côté et leurs cinq coaccusés.
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Arrêtée en mars 2016, l’ex-politicienne n’a toujours pas eu son procès, trois ans et demi plus tard. Même l’enquête préliminaire a été annulée, la poursuite ayant déposé un acte d’accusation privilégiée en octobre 2017. En principe, cette procédure exceptionnelle a pour but d’accélérer le processus et d’emmener les accusés dans un dossier un peu lourd directement à leur procès. Sauf que Marc-Yvan Côté réclame l’arrêt total du processus judiciaire, invoquant un coulage orchestré en haut lieu de détails de l’enquête aux journalistes Marie-Maude Denis, de Radio-Canada, et Louis Lacroix, de Cogeco. L’affaire est présentement en Cour suprême. Le plus haut tribunal au pays doit dire si les journalistes peuvent être forcés de témoigner pour révéler leurs sources.
Pourquoi alors le ministère public a-t-il annoncé vendredi le retrait de 5 chefs d’accusation sur 12 ? Simple ajustement du dossier, a expliqué le représentant du Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP). On a simplifié le dossier en retirant des accusations de corruption, complot et fraude après la communication de certaines informations par la défense. Mais on assure que le reste du dossier est très solide contre l’ancienne ministre de Jean Charest.
Permettez qu’on ait des doutes.
Les accusations concernent des dossiers régionaux de subventions aux municipalités déjà exposés à la commission Charbonneau. Des entreprises ayant financé les libéraux auraient été imposées dans des projets d’infrastructure.
En principe, quand la Cour suprême va régler la question de la protection des sources, le dossier va pouvoir reprendre.
Mais en verra-t-on la fin ?
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Je viens de parler de fuites dans les médias. Voilà qui nous mène chez l’énigmatique Guy Ouellette, ex-policier de la Sûreté du Québec, longtemps député libéral, expulsé du caucus de son parti sitôt les élections passées. On ne comprend pas encore à quel jeu il jouait, mais ça ressemble à un film d’espionnage et de contre-espionnage où, après 15 minutes, on ne sait plus qui est de quel bord.
Rappelons quand même quelques événements pas banals. Le député est arrêté à Québec par la police pendant une pause un jour où l’Assemblée nationale siège. Arrêté par l’UPAC. Mais jamais accusé. Tellement pas accusé que les libéraux l’ont laissé se présenter aux élections.
Motifs de l’arrestation ? Il aurait participé à du coulage d’informations confidentielles fournies par des enquêteurs de l’UPAC, eux-mêmes suspendus. Mais le couvercle est sur cette marmite-là aussi, M. Ouellette siège à Québec comme si de rien n’était, mais avec une sorte de radioactivité autour de lui…
Est-ce que Guy Ouellette a un rapport quelconque avec les fuites sur l’enquête Normandeau ? Est-ce que cela a un impact sur le retrait de certains chefs d’accusation ? Au fait, pourquoi retirer des chefs d’accusation comme ça à la fin de l’été, alors qu’on aurait pu les retirer au procès ? Peut-être pour éviter de fournir des informations ? Ou juste parce que la loi oblige à ne pas maintenir des accusations sans fondement ? Ou les deux ?
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Je rappelle qu’en ce moment, à part l’UPAC qui n’a pas de commissaire permanent, la Sûreté du Québec n’a pas de directeur permanent non plus.
Voilà six mois que Martin Prud’homme, un policier hautement respecté, a été suspendu. Sans qu’on nous donne la moindre explication. Six mois ! Il est visé par une enquête. À quel sujet ? On ne sait pas. Peut-être… une autre affaire de fuite. Peut-être une autre affaire impliquant Guy Ouellette. M. Prud’homme, que le gouvernement avait placé à la tête de la police de Montréal pendant un an, a épousé la fille de M. Lafrenière…
La durée de ces mystères n’a plus de sens.
En temps normal, je dirais : il faut enquêter là-dessus… Mais à sept couches d’enquête, j’ai peur qu’on ne fasse qu’ajouter à la confusion.
Le Québec est devenu la république des enquêtes sur les enquêtes des enquêteurs enquêtés qui enquêtent.
Il faut en tout cas deux choses minimalement. Premièrement, nous dire pourquoi le DG de la SQ, homme au-dessus de tout soupçon jusqu’ici, est suspendu ; deuxièmement, profiter du concours pour un nouveau commissaire à l’UPAC pour expliquer le départ de l’ancien commissaire.
Commençons par ça…