Parfois, la tragédie est facile à dépeindre. C'est le cas, encore une fois hélas, de la Palestine. Après une semaine de combats sanglants, on constate la partition de maigres territoires. Le Hamas est maître de Gaza, le Fatah contrôle la Cisjordanie. Catastrophe humanitaire en prime.
D'un côté comme de l'autre, l'heure de la revanche a sonné. Il y a d'abord eu le coup, dit d'État par le président Mahmoud Abbas, que le Hamas a fomenté à Gaza. D'après les témoignages recueillis sur place par des journalistes auprès d'une population effrayée, les miliciens et permanents du Hamas se sont employés, à chaque conquête d'espace, à chaque appropriation des bureaux du Fatah, à tout saccager. Ils ont également entrepris d'exécuter sur place tout militant du Fatah, donc tout supporter d'Abbas, allant même jusqu'à diffuser sur leur réseau de télévision le lynchage de l'un d'entre eux.
En réponse à l'offensive déployée par le Hamas à Gaza, le président Abbas a dissous le gouvernement. Puis il a déclaré hors-la-loi toutes les milices du Hamas avant de former un nouveau cabinet en prenant soin de rassembler des personnalités indépendantes. Des hommes qui ne sont membres ni du Hamas ni du Fatah. Depuis lors, lui et tout ce que la Cisjordanie compte de laïcs militants s'appliquent à détruire tout ce qui symbolise la trace du Hamas.
L'embryon à l'origine de la présente crise s'appelle sécurité. Plus exactement le contrôle des services officiels. D'après la constitution de l'Autorité palestinienne, les forces de sécurité et la politique étrangère sont la chasse gardée du président, le gouvernement ayant la charge de l'éducation, l'économie, la santé, etc. Et alors? Depuis sa victoire effectivement légitime, le Hamas n'a jamais voulu reconnaître les pouvoirs dévolus au président. Plus précisément, il s'est refusé à désarmer ses groupes paramilitaires.
Cela rappelé, la violence qui distingue ces jours-ci les rapports de forces entre les deux camps a eu une conséquence notable. À peine Abbas avait-il dévoilé la composition du nouveau cabinet que l'Union européenne d'abord, les États-Unis ensuite annonçaient la levée de la suspension de toute aide financière décrétée au lendemain de l'élection du Hamas en janvier 2006. Quant aux taxes qu'Israël prélève pour le compte de l'Autorité, il a été décidé de libérer les sommes gelées et de les acheminer à Abbas. Autrement dit, la population de Gaza ne verra pas l'ombre d'un cent.
Concentré en Cisjordanie, ce soutien met en relief plus qu'aucun autre fait le changement d'approche accompli par l'UE, les États-Unis et Israël. De quoi s'agit-il? La Cisjordanie d'abord ou West Bank First. Pour tous ces acteurs, le bouleversement géopolitique en cours constitue l'occasion rêvée de pousser le Hamas dans l'arrière-cour de l'Histoire. En concentrant aides financières et politiques en direction du Fatah, ils escomptent un étouffement du mouvement fondamentaliste. Sauf que...
Sauf que l'Iran, principal allié du Hamas, ne restera vraisemblablement pas les bras croisés. Maître de la déstabilisation, le régime des ayatollahs tient tellement à s'imposer comme puissance régionale qu'il n'abandonnera pas la carte qu'il détient dans ce coin du monde. On ne soulignera jamais assez que l'ambition du président Mahmoud Ahmadinejad, que ne partage pas nécessairement le Guide suprême, est de consolider l'influence des chiites de Téhéran au bord de la Méditerranée.
Pour l'heure, il est à noter que les uns et les autres jonglent avec diverses stratégies sanglantes, conçoivent des plans relevant par moments du comique troupier sans manifester la moindre volonté de venir en aide au million et demi de Palestiniens qui croupissent à Gaza.
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