De multiples employés qui vivent de paie en paie et travaillent dans un « environnement extrêmement stressant », un chiffre d’affaires qui s’est effondré de 66 % depuis la catastrophe, des obligations qui n’ont pas fini de surgir et l’idée qu’il est « possible, peut-être probable », qu’on se dirige vers la vente de Montreal, Maine and Atlantic (MMA).
Ces affirmations, tirées d’une déclaration sous serment faite par le directeur financier auprès d’un tribunal du Maine, et dont LeDevoir a obtenu copie, brossent le portrait d’une compagnie aux ressources limitées qui ne voit aucune autre façon de procéder que de se placer sous la protection des tribunaux.
Vingt-quatre heures après le dépôt des requêtes d’un côté comme de l’autre de la frontière, un juge de la Cour supérieure du Québec, Martin Castonguay, a accepté hier matin la demande visant à placer les activités canadiennes de MMA à l’abri des créanciers. Se disant « pas du tout impressionné » par la conduite de MMA depuis l’accident et usant de l’adjectif « lamentable », il a dit qu’il fallait toutefois éviter «l’anarchie judiciaire» et qu’il était « dans l’intérêt de tout le monde de maximiser le patrimoine de la société ».
À ce processus qui permettrait de canaliser les demandes et les réclamations pour les créanciers garantis et ordinaires, le juge Castonguay, reconnu pour son franc-parler, a ajouté les sinistrés, qu’il a qualifiés de « créanciers extraordinaires ». Le dossier sera d’ailleurs confié à un juge situé en Estrie, pour que la population ait un accès plus simple aux procédures.
« Maladie terminale »
« Prenez l’insolvabilité comme une maladie terminale : est-ce qu’on envoie le malade aux soins palliatifs ou on le laisse mourir dans une ruelle n’importe comment ? L’avantage, c’est que le processus va être encadré par la cour », a dit lors d’un point de presse Me Louis Coallier, qui représente la Ville de Lac-Mégantic. « Et le juge a rendu un jugement très humain. »
« Ça va accélérer le processus », a dit Me Denis St-Onge, du cabinet Gowlings, qui représente MMA. « Il n’y aura qu’un seul forum pour évaluer les réclamations. »
La Cour a nommé le cabinet Richter comme syndic, le responsable du dossier étant Gilles Robillard, qui a déjà eu comme mandat des cas lourds tels Norbourg et Earl Jones. M. Robillard a confié que Richter va dépêcher lundi matin une équipe dans le Maine pour décortiquer les livres.
Selon la requête déposée à Montréal, les actifs de MMA (Canada) se chiffrent à 17,97 millions. Le bilan montre que la compagnie ne détient que 274 000 $ en argent comptant et des comptes clients de 273 000 $. Les équipements, le chemin de fer et les bâtiments sont évalués à 17,4 millions.
La requête rappelle aussi que MMA a une police d’assurance de 25 millions - laquelle demeurera sous scellés à la demande des avocats - et que les créances non garanties que traîne la compagnie s’élèvent à 48 millions, dont 4,8 millions en comptables payables et autres dettes et 43,4 millions à sa société mère.
L’opération de décontamination et de nettoyage découlant de la catastrophe ferroviaire et ayant fait 47 morts est évaluée à 200 millions, selon la requête. Les documents déposés à la Cour des faillites du Maine, quant à eux, révèlent toute l’étendue de ce que la compagnie dit avoir subi comme chute de revenus.
Avant le déraillement du convoi, MMA avait grandement bénéficié de la croissance du transport du pétrole par train, puisque les compagnies de l’Ouest produisent plus de pétrole que ce que les pipelines peuvent avaler. La compagnie transportait 500 000 barils de pétrole par mois au Québec et dans le Maine, en route vers la raffinerie Irving au Nouveau-Brunswick.
« Ça jouait un rôle important dans nos revenus, qui s’élevaient à 3 millions par mois. Depuis le déraillement […], ils ont chuté à 1 million par mois », affirme le directeur des finances de MMA (États-Unis), Donald Gardner fils, dans sa déclaration sous serment.
L’entité canadienne en deuxième
Il affirme aussi que c’est la compagnie américaine, dont les actifs se situent entre 50 et 100 millions, qui engrange l’essentiel des revenus pour ensuite verser à la société canadienne l’essentiel pour payer ses factures. « Étant donné le flux de trésorerie grandement diminué et l’augmentation des obligations, l’abri des créanciers est la seule façon de préserver la valeur de l’ensemble de la compagnie, dit M. Gardner. Il est possible, peut-être probable, que [le plan visant à s’occuper des réclamations] comprendra une vente du chemin de fer comme entreprise en activité », dit-il par ailleurs.
La requête déposée dans le Maine dresse une liste de créanciers non garantis, dont le Canadien Pacifique (541 000 $), le New Brunswick Southern Railway (1,98 million), Ed Burkhardt (environ 1 million) et la Ville de Sherbrooke (86 000 $). Le gouvernement américain est un créancier garanti, MMA lui devant 27,5 millions sur un prêt consenti en 2005.
Dans l’explication des remèdes que cherche la compagnie, notamment liés au besoin de maintenir les paies aux 54 employés, M. Gardner affirme que bon nombre d’entre eux vivent de semaine en semaine. « Ils s’appuient sur leur paie pour payer leurs dépenses de tous les jours. Si [la compagnie] ne peut pas verser ces salaires de façon ordonnée, il en résultera des difficultés financières et un moral bas pour les employés qui restent, qui travaillent déjà dans un environnement extrêmement stressant. »
Par ailleurs, le juge a dit que les administrateurs de MMA seront protégés contre les procédures découlant de l’accident, mais pas contre les procédures liées aux lois du travail. Il faisait ainsi référence au fait que certains employés mis à pied n’auraient pas encore reçu leurs indemnités de congé.
Entre-temps, la paie d’hier a été versée, a indiqué le syndicat des Métallos.
La MMA se dit à bout de souffle
Autorisée à se mettre à l’abri de ses créanciers, la compagnie affirme que ses revenus ont plongé des deux tiers et fait référence à une vente pour faire face aux obligations
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