On a beaucoup parlé du triste sort des Afghans faits prisonniers par nos
soldats canadiens en guerre contre les «Talibans» en Afghanistan. Beaucoup
ont fortement critiqué et dénoncé l’absence de mesures permettant de
garantir le respect des droits des prisonniers remis aux tortionnaires
afghans. D’aucuns se sont montrés hautement préoccupés par les mauvais
traitements, voire les exécutions sommaires qui de toute évidence
constituent la normalité dans tout pays non démocratique de surcroît en
guerre. Cette préoccupation d’humanistes, couplée avec l’insensibilité,
l’inébranlabilité du premier ministre Harper et son gouvernement, suscite
en moi plus de confusion que d’indignation.
Pourquoi en effet s’indigner d’indignes traitements infligés aux
prisonniers afghans, et ne pas poser de questions concernant l’existence ou
non de prisonniers canadiens du camp adverse, le respect de leur dignité
s’il y en a ? La présomption qui veuille que nos soldats fassent des
prisonniers sans jamais se faire prendre me parait plutôt troublante. Cela
signifierait qu’ils ne sont pas en guerre, plutôt à la chasse. La réalité
est pourtant qu’ils sont sur le front, là où la logique élémentaire met
face à face des «tueurs», des gens armés commis pour éliminer l’adversaire
de diverses manières, toutes sales et impitoyables.
Pourquoi s’indigner du sort des prisonniers, sans jeter un moindre regard
sur les tas de corps déchiquetés, les morts que l’on ne compte pas tombés
sous les balles de nos soldats et d’autres qui hélas vont inexorablement
tomber sous les mêmes balles les prochaines heures, les prochaines années ?
La logique de la guerre est sans conteste de tuer celui que l’on considère
«ennemi»,et non pas d’en faire un prisonnier. La problématique du
traitement des «prisonniers» dilue cette horrible réalité et tente d’y
greffer bonne conscience. En guerre, on fait plus de morts qu’on ne saura
dire, et on fait plus de prisonniers qu’on ne voudra montrer, des
prisonniers qui somme toute finissent de la même manière après que des
tortionnaires leur aient soutiré l’huile informationnelle chère aux
stratèges bellicistes.
Comment le gouvernement de Harper devrait solutionner le problème de
prisonniers afghans ? Un autre temps, sous un autre ciel, et je prendrais
le général Roméo Dallaire pour témoin, l’actuelle armée au pouvoir au
Rwanda n’a au terme de 3 ans de guerre remis aucun prisonnier à la Croix
Rouge Internationale. Alors que le gouvernement de l’époque libérait pour
échange des rebelles faits prisonniers par l’armée régulière, Kagame n’eut
même pas un seul à présenter. A date, ces grands criminels de guerre sont
promus héros, voire modèles à imiter pour gagner des guerres.
Ainsi se font et se gagnent des guerres. Penser, prétendre ou vouloir
faire croire que la guerre peut avoir des règles purgatoire de la barbarie,
c’est nourrir l’hypocrisie politicienne et entretenir la naïveté populaire.
Certains voudront promouvoir des guerres «propres», des guerres «d’adultes
sans enfants», des guerres «sans armes blanches» ou des guerres «avec armes
conventionnelles», des guerres «avec des prisons dans le sous-sol
d’églises», occultant en même temps l’horreur du carnage au bout des fusils
et les gâchis sociopolitiques irréparables que crée toute guerre. Il n’y a
aucune règle d’atténuation des horreurs de la guerre, si ce n’est le
mensonge et le manque de courage pour résoudre autrement les différends,
défendre dignement les valeurs d’humanisme et les intérêts individuels ou
nationaux. Des deux choses l’une: on ne fait pas de prisonniers, ou on ne
fait pas du tout de guerre.
Francois Munyabagisha
Drummondville
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
La logique de la guerre
Prisonniers afghans, entre confusions et indignations
Tribune libre - 2007
François Munyabagisha79 articles
Psycho-pédagogue et économiste, diplômé de l'UQTR
(1990). Au Rwanda en 94, témoin occulaire de la tragédie de «génocides»,
depuis consultant indépendant, observateur avisé et libre penseur.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
17 mai 2007Francois Munyabagisha ÉCRIT : «Des deux choses l’une : on ne fait pas de prisonniers, ou on ne fait pas du tout de guerre.»
On ne fait pas la guerre quand on n'est pas attaqué...point.
Mais si on l'a fait et qu'on fait des prisonniers, alors, on tente d'obtenir des renseignements en les chatouillant avec une plume à la place de leur arracher les ongles, ce qui fait dire n'importe quoi comme : YOYE..ÇA FAIT MAL, ARRÊTEZ, JE VAIS TOUT AVOUER, CE QUE JE SAIS ET MÊME CE QUE JE SAIT PAS "à moins d'être braves comme nos premiers missionnaires" Au début de la colonie. Ils n'hésitaient pas à se laisser martyriser par nos indiens pour leur foi catholique. S'ils avaient su que les Québécois abandonneraient la pratique religieuse quelques centaines d'années après, je ne sais pas s'ils auraient fait en ces temps pas si éloignés où le réchauffement de la planète n'était pas commencé.