Littérature

La Joute et l'affaire Matzneff

La justice française devant une patate chaude

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Tribune libre

Emmanuelle Latraverse et Caroline St-Hilaire ont dit à la Joute qu'elles étaient contre la décision de Bibliothèque et Archives nationales du Québec de retirer des "oeuvres" de l'écrivain français Gabriel Matzneff de sa collection universelle. Je me demande quelle est la valeur de cette opinion étant donné qu'Emmanuelle Latraverse a parlé d'autofiction.


La discussion qui a suivi était décevante. La distinction n'était pas faite entre trois catégories d'oeuvres de Matzneff: les romans, les essais et le journal. C'est le journal que la BAnQ a retiré et non les romans et les essais. Il n'y a pas d'autofiction dans le journal qui est la description détaillée répétitive et ennuyeuse des ébats sexuels d'un homme mûr avec des jeunes filles surtout de quatorze à vingt-cinq ans ( à chaque relation, l'âge de la jeune fille est indiqué pour affrioler le lecteur) mais aussi avec des garçons (à Manille par exemple, trois en même temps, de 9 ans, 12 ans et 14 ans) qui font de la prostitution juvénile.


Parfois l'auteur a douze jeunes maîtresses en même temps: il en "voit" une le matin, une autre l'après-midi, une autre le soir. Cela exige toute une logistique et parfois il y a des accrochages quand l'une se rend compte qu'elle n'est pas la seule. Avec description plus ou moins détaillée chaque fois. Au milieu du journal intitulé "Mes amours décomposés" (1990, journal 1983-1984, l'Infini, collection dirigée par Philippe Sollers, chez Gallimard), Matzneff a une maladie, l'urétrite: il parle en détail de ses démarches pour se soigner avec un antibiotique mais il continue quand même d'avoir des relations sexuelles avec de nombreuses jeunes filles. Habituellement, il ne se protège pas et met une capote anglaise uniquement quand la jeune fille ne prend pas la pilule.


Dans la Presse du 9 janvier 2020, Raphaël Pirro écrit:


"Mardi le 7 janvier, la Grande Bibliothèque n’a pas tardé à retirer le journal de Gabriel Matzneff quelques heures à peine après que son éditeur, Gallimard, eut décidé d’en cesser la diffusion. « La souffrance exprimée par Madame Vanessa Springora dans "Le consentement" fait entendre une parole dont la force justifie cette mesure exceptionnelle », a expliqué par communiqué d'Antoine Gallimard, qui publie le journal de Matzneff depuis 1990. Les maisons d’édition Léo Scheer et de La Table Ronde ont elles aussi décidé de retirer les œuvres signées Matzneff de leur catalogue mercredi.


« Dans la foulée de la décision des éditions Gallimard de cesser la commercialisation du journal de l’écrivain Gabriel Matzneff et pour les mêmes raisons, la Direction générale de la Grande Bibliothèque a décidé de retirer ces ouvrages de sa Collection universelle », a fait savoir l’institution par communiqué.

Hier soir, le DG de la Grande Bibliothèque, Martin Dubois, a précisé à La Presse que le retrait du journal de Matzneff pourrait être temporaire, le temps de prendre une « décision éclairée » entre son « retrait définitif » et son « maintien dans la collection », au regard de la politique de développement de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ).


On se serait attendu que la Joute parle du sujet avec compétence et précision et ce n'a pas été le cas. Ce qui a exigé la mise au point que vous venez de lire. Pour le contexte, il faut aussi savoir que des procédures en justice ont été prises contre Gabriel Matzneff. Ce qui va s'avérer très compliqué à cause des questions de prescription et de collection de preuves avec des cas précis. Aux dernières nouvelles Vanessa Springora n'a pas l'intention de porter plainte. On savait que la justice a de la misère à faire condamner les abuseurs sexuels des femmes. On verra que les mêmes problèmes se posent dans le système judiciaire pour la protection des enfants contre les pédophiles


Il faut savoir aussi que Gabriel Matzneff est attaqué en justice pour "apologie de crime".


"Une association de prévention contre la pédophilie, l’Ange Bleu, attaque en justice l’écrivain Gabriel Matzneff pour provocation à commettre des atteintes sexuelles et des viols sur mineurs ainsi que pour apologie de crime, a appris ce mercredi 8 janvier l’AFP de sources concordantes.


L’association a choisi de citer elle-même l’écrivain à comparaître devant la 17e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, spécialisée dans les affaires de presse et de liberté d’expression.


Une première audience de procédure doit avoir lieu le 12 février, selon une source judiciaire et l’avocat de l’association.



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