Après la marginalisation du Bloc québécois, place à sa folklorisation.
Je n'irai pas aussi loin que Lise Ravary, qui écrivait hier sur son blogue du Journal de Montréal que Mario Beaulieu est «un radical intolérant, doublé d'un clown», mais l'admirateur de l'oeuvre de Cervantes en moi s'offusque lorsque j'entends des gens comparer le nouveau chef du Bloc à Don Quichotte.
L'homme de la Mancha est un poète romantique doté d'un sens de l'humour, qui prend tous les coups avec philosophie.
Mario Beaulieu, je l'ai toujours plutôt vu comme le pendant francophone de «Pit Bill» Johnson, William Johnson de son vrai nom, journaliste et auteur qui a été président d'Alliance Québec de 1998 à 2000. Leur combat pour la défense de leur langue respective aura été mené avec le même acharnement et la même intransigeance.
L'ancien président de la Société Saint-Jean-Baptiste et ex-président du Parti québécois de Montréal-Centre milite depuis des années pour un durcissement de la loi 101, qui s'appliquerait aux cégeps. Il a aussi prôné dans le passé l'interdiction de l'anglais dans l'affichage et s'est maintes fois inquiété de la situation du français à Montréal.
Sur la stratégie souverainiste, on ne pourra jamais accuser Mario Beaulieu de «girouettisme»: il regarde toujours dans la même direction depuis des années et il prône les mêmes stratégies: mettre le discours souverainiste au coeur de toute action politique et gouvernementale (lorsque le PQ est au pouvoir) et relancer des campagnes de promotion de la souveraineté, en faisant du porte-à-porte, par exemple, et en consacrant des fonds publics à la cause.
Déjà en 2000, il critiquait vertement le premier ministre péquiste Lucien Bouchard, qui avait refusé, comme tous les chefs péquistes avant et après lui, de dépenser des deniers publics pour faire la promotion de l'option.
«Cela va démotiver les militants, la mobilisation des péquistes est en péril, disait M. Beaulieu. Il faut repartir la machine à brève échéance sans quoi ce sera la démobilisation ou la vraie rébellion.»
Il y a quelques jours, dans une entrevue par l'internet à un site intitulé «La politique québécoise vue de France», il proposait «que les députés du Bloc québécois s'engagent à faire don de la différence salariale entre un député fédéral et un député québécois à une fondation destinée à la promotion de l'indépendance». (La différence est d'environ 35 000$ à 40 000$, selon que l'on tient compte ou non des allocations diverses). Pas sûr que les quatre députés du Bloc apprécieront l'idée. Même pas sûr qu'il resteront tous dans ce caucus dirigé maintenant par M. Beaulieu, puisqu'aucun d'entre eux ne l'appuyait. Un coup parti, Gilles Duceppe et les nombreux ex-députés du Bloc devraient peut-être aussi verser une partie de leur pension fédérale dans un fonds de lutte pour la souveraineté!
Blague à part, Gilles Duceppe n'a pas apprécié, avec raison, les critiques de Mario Beaulieu sur l'«étapisme» du Bloc au cours des deux dernières décennies. Selon M. Beaulieu, le Bloc a mis la souveraineté en sourdine, se contentant de dire qu'il défendait les intérêts du Québec. Gilles Duceppe a toujours tenu, au cours de ses six campagnes fédérales comme chef, le même discours: défendre les intérêts du Québec à Ottawa et laisser la stratégie souverainiste au PQ, puisque la souveraineté, c'est l'évidence, ne se fera pas à Ottawa.
En entendant M. Beaulieu répéter ad nauseam qu'il faut parler de l'option partout et tout le temps, je me suis rappelé Jacques Parizeau qui m'avait dit, une fois : «il faut en parler, mais on ne fera pas la souveraineté en faisant des incantations comme des moines bouddhistes devant un moulin à prières tibétain».
Je ne sais pas trop ce que les militants bloquistes ont vu en Mario Beaulieu pour lui confier ce parti en rade, mais il me semble être le parfait capitaine pour achever le naufrage.
Où étaient les militants du Bloc ces dernières années, et en particulier lors des élections fédérales de mai 2011 et provinciales d'avril dernier, pour croire que les Québécois vont les suivre dans leur marche vers la souveraineté avec un chef aussi radical et sous des incantations comme «Nous vaincrons!» ? Reprendre les slogans du FLQ, voilà une idée rassembleuse...
Vaincre qui? Vaincre quoi? Ces gens-là sont en guerre? Il est vrai que Mario Beaulieu a déjà dit que, «historiquement, la nation canadienne anglaise a été un adversaire», mais la mentalité d'assiégés n'a jamais permis aux souverainistes de gagner quoi que ce soit.
Sans surprise, l'arrivée de Mario Beaulieu à la tête du Bloc québécois cause des remous. M. Beaulieu devrait comprendre, lui dont les principaux états de service au sein du mouvement souverainiste se résument à avoir embêté les chefs péquistes Lucien Bouchard, Bernard Landry et Pauline Marois périodiquement, chaque fois que l'ombre d'une crise linguistique pointait à l'horizon.
Lucien Bouchard ne le dira pas ouvertement, mais Mario Beaulieu fut certainement un des irritants majeurs qui ont fini par venir à bout de sa patience, en 2001, lorsqu'il a démissionné comme premier ministre.
Sur le plan pratico-pratique, les militants bloquistes viennent par ailleurs de choisir un deuxième chef de suite non élu aux Communes, ce qui cause des problèmes de visibilité et de cohésion, comme on l'a constaté avec Daniel Paillé.
Un chef non élu d'un caucus de quatre députés qui ne l'ont pas appuyé. Ça promet.
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