L'utilisation frénétique de l’expression « communauté musulmane » dans la sphère politico-médiatique, ces derniers mois, peut bien s’expliquer par les violences meurtrières qu’a subies un lieu de prière musulman à Québec le 29 janvier 2017. Toutefois, à force de l’utiliser systématiquement, un autre contenu politique bien orienté commence à se frayer tranquillement une place dans les esprits et les habitudes du public alors que l’évidence d’une telle « communauté musulmane » comme réalité sociopolitique canadienne ou québécoise est contestable.
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La présence d’une « communauté musulmane » au Canada comme au Québec relève plus du mythe politique que d’une réalité avérée. En vérité, en dehors de quelques généralités concernant la naissance des individus dans les régions musulmanes, de quelques principes liés à la pratique du rite musulman, il n’y a véritablement aucun autre lien qui permettrait de considérer l’existence d’une telle communauté.
Les musulmans n’ont pas de clergé, ce qui exclut toute hiérarchie religieuse, et l’imam lui-même n’est pas une autorité. Son rôle se limite à diriger les prières. Par conséquent, les musulmans vivent leur foi individuellement et n’ont donc pas de compte à rendre à quiconque en matière de foi ou de religion, sinon à Dieu. À cela s’ajoute la pluralité de visions du monde selon le paradigme de l’islam, qui ne sont pas communes à tous les musulmans. Aussi comprend-on et vit-on l’islam différemment en Indonésie, au Maroc ou en Iran par exemple, ce qui explique l’existence des deux grands blocs doctrinaux distincts — chiites et sunnites —, et les subdivisions à l’intérieur du sunnisme représentées par les quatre grandes écoles juridiques qui superposent les différences ethniques culturelles et linguistiques tissant la toile de fond de ce qu’on appelle abusivement le « monde musulman ».
[…] L’expression « communauté musulmane » n’est pas plus qu’une commodité de langage, car elle est inexistante sur le terrain comme une entité qui aurait une conscience d’elle-même, solidaire, agissante et ayant un poids sur les enjeux sociaux et politiques du Canada et du Québec. […]
Libertés et libre entreprise
Les immigrants, particulièrement ceux qui sont originaires des régions en grandes difficultés politiques telles que l’Iran et l’Algérie pendant les décennies 1980 et 1990, puis l’Irak et la Syrie plus récemment, et d’autres encore, sont d’abord attirés par la réputation du Canada, pays des libertés et de la libre entreprise. Ces femmes et ces hommes, une fois le pied posé sur le sol canadien, brûlent de se réaliser et de se délivrer des rets qui retenaient leurs ailes et de s’affranchir du même coup de l’autre communauté laissée derrière eux. Ici, ils comptent enfin se réapproprier leur personne et en disposer souverainement tel qu’ils l’entendent. On sous-estime souvent leur faim de libertés individuelles, de droits, de citoyenneté et d’épanouissement et on ne comprend pas assez leurs rêves d’affranchissement des carcans de la tradition, de la tribu, du clan, du patriarche, de toute tutelle au nom de la loi religieuse réelle ou supposée et de toute forme d’oppression.
Pourtant, ce profond désir du droit d’avoir des droits constitue le coeur et la raison de leur décision d’immigrer au Canada, puis viennent ensuite les raisons économiques. Ceux-là mêmes qui viennent de si loin, qui ont déjà tout troqué pour une vie enfin libérée se retrouvent désenchantés, outrés de découvrir dans la société d’accueil une autre « communauté musulmane » aux relents islamistes, aussi glauques et étouffants que celle qu’ils avaient fuie.
Les islamistes mènent le jeu
Les responsables politiques comptent-ils laisser, au nom des libertés individuelles, les islamistes nous dicter les règles de la vie bonne dans la bonne communauté musulmane ? Car effectivement, ce sont les islamistes qui mènent le jeu. Forts de leurs réseaux d’associations en tous genres, entourés de prêcheurs virulents et aguerris et d’une armée d’activistes qui écument les lieux d’activités sportives, les classes de cours d’arabe et d’éducation islamique pour encadrer les jeunes, etc., ils se sont mis, tous azimuts, à la promotion de la communauté musulmane dans les médias et auprès des pouvoirs publics et rêvent de se l’approprier et de s’en servir comme appui pour la réalisation de leurs projets. Or, ils ne représentent pas la majorité des musulmans, encore moins la virtuelle « communauté musulmane », et leur discours n’est pas l’écho de la volonté des musulmans. De toute évidence, ils représentent le courant islamiste salafiste d’obédience saoudienne, l’unique tendance à réclamer un espace public distinct, qui prétend détenir la vérité absolue dans l’interprétation des textes religieux et dont le projet de société consiste en un retour aux sources et à la tradition de l’aube de l’islam sous forme d’un califat théocratique totalitaire.
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