« Le droit de se déplacer ou pas est inhérent à l'être humain. La permission de se déplacer ou pas est une atteinte, cruelle et planifiée, à la liberté individuelle. »
L'écrivain Luis Sepulveda a écrit ces lignes au moment où il tentait de retourner chez lui, au Chili, quatorze ans après avoir dû fuir la dictature de Pinochet. On venait de lui signifier, dans un consulat chilien quelque part en Europe, qu'il ne figurait plus sur une liste noire.
Alors que des rumeurs persistantes sur l'envoi de l'armée à Montréal pour rétablir la loi et l'ordre circulent de plus en plus, je me demande jusqu'où peut aller un gouvernement déshonoré et assiégé qui ne jouit plus de l'appui populaire mais qui représente encore et toujours pour le pouvoir fédéral le seul rempart contre le mouvement indépendantiste au Québec, puisque la CAQ adéquiste de Legault est manifestement incapable de remplir cette commande.
Pour faire respecter sa loi maudite, le régime Charest vient de se lancer dans des opérations d'arrestations massives. Fera-t-il appel à l'armée canadienne et ouvrira-t-il le stade olympique pour y parquer temporairement les opposants aux mains nues? Ou fera-t-il appliquer de façon arbitraire son règlement sur les manifestations? Ici, on ferme les yeux, là on embarque tout le monde, non sans les avoir matraqués, traînés par terre et poivrés?
C'est bien mal connaître les jeunes étudiants que de penser que ceux-ci vont « entendre la voix de la raison », la raison du plus fort, bien entendu, qu'ils vont se laisser gagner par la peur, qu'ils vont accepter de se soumettre à une loi inique et injustifiable, qu'ils vont trembler devant la menace d'amendes salées, eux qui n'ont rien à perdre et rien dans les poches, sinon des dettes provenant surtout des prêts étudiants.
Comme je l'écrivais dans ma dernière chronique, le mouvement étudiant a pris de la maturité et il sait de plus en plus ce qu'il veut et ne veut pas : une éducation de qualité et gratuite où la recherche et la production de connaissances ne soient pas liées essentiellement aux besoins du marché, un financement des universités sous étroite surveillance afin d'empêcher comme par le passé les mauvaises gestions, les dépenses et salaires exagérés des hautes autorités universitaires, et la fausse compétitivité entre facultés, qui ne fait l'affaire que de ceux qui investissent joyeusement dans le béton, là où l'on retrouve de nombreux amis du régime en place.
Bien sûr, on peut aussi se demander jusqu'où peut aller le mouvement étudiant, qui s'élargit jour après jour, avec l'appui du monde syndical et d'organismes populaires et environnementaux. S'essoufflera-t-il? Prendra-t-il des vacances? Ou maintiendra-t-il tout simplement le cap sur ses objectifs premiers : le gel des frais de scolarité, qui pourrait mettre la table pour des discussions sur l'abolition pure et simple desdits frais, dans un futur rapproché?
Si c'est cette dernière stratégie qui prévaut, il faudra se convaincre que soir après soir, festival ou pas, Grand prix ou pas, les manifestations vont se multiplier, comme le prouve le mouvement des casseroles, avec tous les inconvénients que cela suppose pour les commerçants du centre-ville et pour le tourisme en général. N'en déplaise aux gras durs comme Rozon qui, plutôt que de tendre la main aux étudiants, se rangent du côté de ceux qui les ridiculisent et les méprisent. Un geste qui est loin de faire rire.
En ce moment, les stratèges libéraux doivent jongler avec un déclenchement d'élections générales, en misant sur le pourrissement de la crise sociale. « La population est fatiguée et elle veut retrouver la paix sociale. » On connaît la chanson. En 1973, Robert Bourassa avait réussi à se faire réélire à peu près dans les mêmes conditions de crise sociale. Mais à force de vivre dans leur bulle, les libéraux ont perdu contact avec la nouvelle réalité. Les gens sont tannés, soit! mais ils ne veulent plus de ce gouvernement corrompu. Vivement des élections!
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P.-S. Quand va-t-on publier la photo du chauffard à la Mercedes blanche, comme on l'a fait avec les trois jeunes étudiants soupçonnés d'avoir lancé une bombette fumigène dans le métro de Montréal, dès le lendemain de l'incident?