Ce sont d'abord les électeurs à revenus moyens qui ont permis à Mario Dumont de réaliser sa spectaculaire percée de lundi.
Mais l'ampleur du vote adéquiste a profondément modifié le profil socio-économique de l'électorat québécois. Avant aujourd'hui, tout le monde savait que les libéraux pouvaient tenir pour acquis une demi-douzaine de circonscriptions riches de l'île de Montréal. Pour le reste, il était à peu près impossible de distinguer un électeur péquiste d'un électeur libéral en se basant sur leurs revenus. Le PQ, autant que le PLQ, était parfaitement en mesure d'attirer des professionnels, des cadres, des hauts salariés.
De la même façon, les deux partis étaient fortement implantés chez les électeurs à revenus moyens.
Mario Dumont, en gonflant ses appuis dans la classe moyenne, a changé la donne. Un coup d'oeil sur la carte politique du Québec nous apprend plusieurs choses. L'ADQ réalise ses gains dans le coeur du Québec. À quelques exceptions près, tout ce qui est entre Montréal et Québec, incluant la couronne nord et la Rive-Sud, a viré adéquiste. Nous sommes ici en plein territoire de la classe moyenne québécoise.
Mis à part l'est de Montréal et une dizaine de rescapés éparpillés ici et là, les péquistes se sont littéralement faits tasser dans les régions périphériques : Abitibi, Gaspésie, Côte-Nord, Saguenay-Lac-Saint-Jean. Avec la perte de plusieurs riches circonscriptions de la banlieue montréalaise, le " territoire " péquiste est aujourd'hui sensiblement plus pauvre que la moyenne québécoise. Les libéraux, eux, restent solidement en place dans les circonscriptions les plus riches de Montréal, en plus de tout rafler à Laval et dans l'Outaouais, deux des régions les plus riches au Québec.
De là à conclure que le PQ est un parti de pauvres, le PLQ un parti de riches, et l'ADQ un parti de la classe moyenne, il n'y a qu'un pas.
Le profil socio-économique des 125 circonscriptions, tel que dressé par le directeur général des élections sur la base du recensement de 2001, fournit des chiffres éloquents. Selon ces données, le revenu annuel moyen du citoyen québécois âgé de 15 ans et plus se situe à 27 125 $.
Or, dans les 41 circonscriptions adéquistes, le revenu moyen ressort à 26 449 $, un écart insignifiant. Dans les circonscriptions ayant élu un député libéral, le revenu moyen grimpe à 28 666 $; dans les circonscriptions péquistes, il dégringole à 25 202 $.
Certes, ces différences ne sont pas énormes, mais quand même suffisantes pour être mentionnées : en moyenne, le revenu du résident d'un comté péquiste correspond à 88 % du revenu observé dans une circonscription libérale, ce qui n'est pas rien.
Il existe cependant de nombreuses exceptions. Les libéraux ont aussi remporté un certain nombre de circonscriptions qui figurent parmi les plus pauvres au Québec, comme Laurier-Dorion, Bourassa-Sauvé, Bonaventure, Kamouraska-Témiscouata. L'ADQ, le parti de la classe moyenne, gagne trois des 10 circonscriptions les plus riches au Québec : Marguerite-D'Youville, Chambly et Blainville (les sept autres vont tous aux libéraux). La " récolte " d'André Bosclair est moins impressionnante : le plus riche des circonscriptions péquistes est Borduas, qui arrive au 25e rang au Québec pour l'importance du revenu moyen (parmi les 24 circonscriptions les plus riches, 18 vont aux libéraux et six à l'ADQ).
Dans ces conditions, il serait téméraire de conclure que le PQ est un parti de pauvres et le PLQ un parti de riches. Les écarts ne sont pas assez grands pour cela. En revanche, il existe maintenant, entre péquistes et libéraux, un écart de revenus jamais observé auparavant, et cela est essentiellement attribuable aux succès adéquistes auprès des ménages à revenus moyens.
Enfin, au delà de ces considérations chiffrées, j'aimerais vous raconter une anecdote qui en dit long. Hier, La Presse a publié quelques notes biographiques sur une trentaine de nouveaux députés de l'ADQ. Responsable d'un comptoir pharmaceutique. Fonctionnaire au ministère du Revenu. Conseiller en financement hypothécaire. Directeur des ventes. Informaticien. Retraité. Étudiant. Agriculteur. Directeur d'une maison de jeunes. Plusieurs propriétaires de PME. Et ça continue comme ça, député après député. Laissons le mot de la fin à ma conjointe qui, en lisant cela hier matin, s'est exclamée : " Enfin, du vrai monde! "
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