Les révélations sur le désir de vengeance de P.E. Trudeau à la suite du référendum de 1980 n’ont pas surpris tout le monde mais elles ont choqué. Trudeau était Premier ministre du Canada et il était du Québec. Il faut être aveugle pour ne pas voir que sa rancœur était et est toujours partagée par une grande part de la population du reste du Canada et notamment par les politiciens fédéraux.
Les programmes de transferts fédéraux aux provinces, incluant la péréquation, constituent un champ de bataille pour les nationalistes québécois (voir l’éditorial de Vigile ce 6 mars) mais des normes précises s’appliquent à ces transferts ce qui fait que le Québec en reçoit sa correcte part. Cependant, le Québec a toujours été défavorisé pour les dépenses structurantes allouées au développement économique. L’exemple le plus frappant concerne les milliards de dollars consacrés par le Canada à la construction maritime au cours de la dernière décennie et pour lequel, contrairement à toute logique, le Québec n’a reçu que des miettes.
Au cours des années les industries canadiennes en difficulté, comme l’automobile, le transport aérien et le secteur pétrolier ont reçu des milliards de dollars de soutien tandis qu’au Québec, seuls les pâtes et papiers ont pu quêter quelques centaines de millions. De plus, nos secteurs dynamiques comme l’aéronautique et la production d’électricité se débrouillaient sans aide, tandis que leurs concurrents canadiens étaient subventionnés par le fédéral. Le fédéral n’a même pas voulu venir à la rescousse de la C-Série, contrairement à ce que font tous les pays riches pour leurs entreprises aussi stratégiques.
Je pense que face à la solidarité anglo-saxonne le Québec a toujours été défavorisé à l’intérieur du Canada mais depuis le référendum de 1980 la discrimination envers le Québec se fait sans gêne. Le Québec a réussi à construire une économie moderne et diversifiée en bonne partie sous l’impulsion de la révolution tranquille et de l’interventionnisme éclairé des gouvernements péquistes, principalement ceux de Jacques Parizeau et de Bernard Landry.
La Caisse de dépôt et placement du Québec avait été créée pour devenir une institution nationale puissante qui pourrait assurer le développement économique du Québec. La Caisse y contribue effectivement et de façon importante par les milliards de dollars qu’elle injecte dans les entreprises québécoises et dans le financement des dépenses gouvernementales. Cependant on peut constater avec le recul que le mandat explicite de développement économique qu’on lui a attribué n’est pas utile et lui confère un pouvoir politique injustifié. En remplacement de ce mandat, le gouvernement pourrait simplement demander à la Caisse d’investir dans les entreprises québécoises et dans les obligations du gouvernement en respectant un minimum prédéterminé.
Pour des raisons de cohérence et d’efficacité il ne peut y avoir qu’une seule stratégie de développement économique et c’est au Gouvernement du Québec de l’établir. Les gouvernements libéraux de Charest et Couillard prônaient le laisser-faire, prétendant que ce sont les forces du marché qui peuvent le mieux orienter l’allocation des ressources dans l’économie mondiale. Ils ne voulaient même pas se battre pour que le Québec obtienne une juste part de ce que le gouvernement fédéral dépense pour le développement économique. Le gouvernement Legault est plus nationaliste et plus interventionniste.
Il a annoncé une stratégie de relance de l’économie au sortir de la pandémie. Sur la base de déclarations publiques on peut déjà prévoir que cette stratégie sera trop simpliste. L’objectif de base sera de créer le plus d’emplois possibles en aidant à peu près toutes les entreprises privées d’à peu près tous les secteurs, sans tenir compte du bassin de main-d’œuvre disponible au Québec. Une telle stratégie conduit nécessairement à de fortes pressions pour une immigration massive. Pour moi c’est une stratégie catastrophique mais elle est proposée ouvertement, on peut la critiquer et on peut tenter de mobiliser la population à son encontre. C’est pourquoi il est essentiel que le développement économique soit une mission du gouvernement et des élus.
La Caisse n’a pas de politique de développement économique connue, et elle n’en a probablement pas du tout. C’est bien mais, parce qu’elle tient à son autonomie dans la gestion de ses fonds, elle ne veut pas non plus coopérer avec le gouvernement dans la mise en œuvre d’une stratégie économique. Les sommes énormes qu’elle investit dans les entreprises du Québec sont donc investies indépendamment des choix de développement du gouvernement.
Au début des années 2000 j’ai travaillé à la Délégation générale du Québec à Londres. Le conseiller économique de la Délégation fait la promotion des exportations du Québec et des relations d’affaires entre le Québec et le Royaume-Uni. Il jouit d’un impressionnant réseau de contacts. Lors d’une visite du ministre des Finances du Québec à Londres, comme représentant du ministère, j’ai tenté d’inviter la Caisse et ses partenaires à partager une table d’honneur avec nous. On m’a répondu que la Caisse préférait s’organiser elle-même. Je ne m’en suis pas offusqué, l’important c’était que la Caisse soit présente, mais cette anecdote illustre bien l’indépendance de la Caisse face au gouvernement. Lorsque le gouvernement veut impliquer la Caisse dans une opération importante, la sauvegarde d’un siège social par exemple, il dépend du bon vouloir de la Caisse et il doit la convaincre.
Le pouvoir de la Caisse sur ces questions s’appuie sur le double mandat que le gouvernement lui a confié et il serait temps de réévaluer le mandat de développement économique de la Caisse.
La Caisse est une institution financière et dans ce milieu d’affaires le nationalisme économique n’est pas accepté. Il est ironique que notre institution nationale ait encouru les plus grandes pertes de son histoire dans des transactions avec le milieu financier de Toronto. Les grandes agences de crédit américaines avaient refusé d’accorder une cote AAA au Papier commercial adossé à des créances, offert par des banques canadiennes, parce que c’était l’acheteur qui assumait le risque d’un effondrement de la valeur du produit. La Caisse en avait quand même acheté massivement en invoquant que l’agence DBRS basée à Toronto accordait la cote AAA au produit.
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