Les «vieux partis» ont quand même du bon. Sans eux, la visite officielle de Mario Dumont à Paris aurait été un véritable désastre. Jusqu'à sa rencontre de dernière minute avec le premier ministre Fillon, le spectacle de Stéphane Rousseau semblait avoir été le temps fort de son voyage.
Ce périple européen avait pour objectif de donner au chef de l'ADQ une image ressemblant davantage à celle d'un chef de gouvernement. Il a plutôt a eu l'air mesquin en accusant ceux qui l'ont aidé d'avoir voulu prendre le crédit de son «succès».
Tout le monde comprend parfaitement que M. Dumont n'a pas eu l'occasion de développer un réseau de relations dans la capitale française. Avant lui, Jacques Parizeau, André Boisclair et même Jean Charest ont eu recours aux services de Louise Beaudoin pour leur ouvrir des portes.
Il n'y avait rien d'anormal non plus à ce que M. Charest lui facilite les choses. Le premier ministre a le devoir de préserver le statut privilégié dont le Québec bénéficie dans la capitale française. Le chef de l'ADQ n'avait pas à en rougir.
Le moment de ce voyage était peut-être mal choisi et la préparation insuffisante, mais le collègue Christian Rioux a souligné dans cette page que la relation entre la France et le Québec se délite depuis un certain temps déjà.
Ceux qui avaient eu l'occasion de rencontrer Nicolas Sarkozy avant qu'il ne devienne président de la République avaient constaté son peu d'intérêt pour la question québécoise, sinon sa plus totale indifférence. Si les relations entre Québec et Ottawa se détérioraient à nouveau, de quel côté pencherait Paris? En recevant M. Dumont, le premier ministre Fillon a évité d'accréditer l'hypothèse d'une rupture avec la position traditionnelle de la France, mais le doute subsiste.
Il est vrai que, d'un point de vue français, ce qui se passe présentement au Québec n'a rien de très excitant. Au-delà des sentiments personnels de M. Sarkozy, Paris a certainement pris note qu'aux élections du 26 mars 2007, plus des deux tiers des électeurs ont voté pour des partis qui souhaitent que le Québec demeure une province canadienne.
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D'ailleurs, même au PQ, on assiste à un glissement de vocabulaire inquiétant. La semaine dernière, sur le site Internet du parti, on expliquait qu'il fallait généraliser l'immersion anglaise au troisième cycle du primaire, comme le propose Pauline Marois, «afin de donner une chance à tous les élèves de la province d'entamer leur secondaire avec des bases solides en français, mais aussi en anglais». Si le PQ considère le Québec comme une «province», pourquoi la France le traiterait-elle autrement?
Sur un plan personnel, le premier ministre Charest semble prendre un certain plaisir aux échanges avec ses homologues français. Au fil des ans, il a développé et maintenu avec Jean-Pierre Raffarin des relations qui dépassent le stade de la simple courtoisie.
[La nomination de Wilfrid-Guy Licari au poste de délégué général à Paris->rub95], en décembre 2005, n'envoyait cependant pas le signal que son gouvernement entendait y assurer une grande visibilité. Que ce soit dans la capitale française ou ailleurs, la diplomatie québécoise ne traverse pas sa période la plus glorieuse.
À l'époque, Louise Beaudoin s'était indignée de la nomination d'un homme qui avait passé 37 ans au ministère des Affaires étrangères du Canada, accusant M. Charest de vouloir «faire de la diplomatie québécoise une succursale de l'appareil fédéral».
À tout le moins, M. Licari ne s'est pas signalé par un dynamisme excessif depuis qu'il est entré en poste. De toute évidence, la délégation du Québec n'était pas en mesure d'ouvrir les portes de Matignon à M. Dumont.
Il existe une différence fondamentale entre un ambassadeur canadien, qui bénéficie du poids d'un vieil allié de la France, membre du G 8, et un délégué du Québec, qui doit constamment se battre pour maintenir des acquis qui ne sont jamais assurés. Volontairement ou non, M. Licari ne semble pas voir cette différence.
La situation actuelle rappelle celle qui prévalait au début des années 1990. Pendant plus d'un an, Robert Bourassa avait laissé le poste de délégué général à Paris vacant, avant d'y nommer un obscur sous-ministre associé qui ne demandait qu'à retrouver sa maison de l'île d'Orléans. Le message était clair.
Même après l'échec de l'accord du lac Meech, les souverainistes avaient eu le plus grand mal à convaincre leurs amis français que le Québec n'était pas redevenu à jamais «la belle province». On imagine difficilement que le programme de l'ADQ ait pu convaincre M. Fillon du contraire.
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Le séjour de Mario Dumont à Barcelone s'annonce nettement plus facile, dans la mesure où personne ici n'y portera réellement attention. Si la Catalogne s'intéresse de près au Québec, qui a fortement inspiré sa législation linguistique, l'inverse est beaucoup moins vrai. Sur les plans économique et culturel, l'exemple catalan est pourtant remarquable.
En juin 2006, 74 % des Catalans ont approuvé le nouveau statut d'autonomie négocié avec Madrid, qui les reconnaît officiellement comme «nation» distincte de l'État espagnol. M. Dumont ne manquera pas d'y trouver des arguments en faveur de l'autonomie que l'ADQ revendique pour le Québec, même si les Catalans eux-mêmes accepteraient volontiers d'échanger les pouvoirs dont ils disposent contre ceux d'une province canadienne.
Aussi agréable qu'il puisse être de voyager, M. Dumont aurait pourtant intérêt à ne pas trop s'attarder à l'extérieur du Québec. Sans lui, c'est comme si l'opposition officielle n'existait pas. À son retour, il devrait s'empresser de donner un coup de téléphone à son ami Stephen Harper, qui a profité de son absence pour se rapprocher de M. Charest. Comme les Français, M. Harper semble avoir pris la juste mesure du chef de l'ADQ.
mdavid@ledevoir.com
La belle province
Ce périple européen avait pour objectif de donner au chef de l'ADQ une image ressemblant davantage à celle d'un chef de gouvernement. Il a plutôt a eu l'air mesquin en accusant ceux qui l'ont aidé d'avoir voulu prendre le crédit de son «succès».
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