Pour son 150e anniversaire de fondation, cette année, le Parti libéral du Québec (PLQ) s’offre un autre bain de boue dans les méandres de la corruption.
Le 24 avril dernier, Le Journal a révélé que l’Unité permanente anticorruption (UPAC) menait une enquête criminelle, jusqu’en 2016, sur l’ex-premier ministre Jean Charest et son ex-collecteur de fonds Marc Bibeau, visant aussi une trentaine d’autres personnes, dont Line Beauchamp, ex-ministre libérale, ex-présidente de la campagne de financement du PLQ et actuelle Déléguée générale du Québec à Paris.
Des renseignements personnels et confidentiels ont été coulés dans les médias, ce qui a mis l’UPAC sur la sellette et l’a forcée à instituer une enquête interne pour vérifier d’où venait la fuite. Quand une institution commence à enquêter sur elle-même, c’est que le diable est aux vaches.
Le ver est dans le fruit
Quand l’UPAC a été créée, en février 2011, elle avait été présentée par le gouvernement Charest comme un colosse qui allait éradiquer la corruption au Québec et «rétablir la confiance de la population».
Le hic, c’est que ce colosse se tenait sur des pieds d’argile et que sa crédibilité était minée au départ parce que son Commissaire était nommé par le gouvernement et non par le Parlement.
Dès le dévoilement, en mars 2011, du nom de Robert Lafrenière à la tête de l’UPAC, la question de son indépendance par rapport au pouvoir politique s’est posée.
Le 18 novembre 2011, Patrick Lagacé parlait déjà, dans La Presse, du «cardinal» Lafrenière en ces termes: «Je tique devant cette proximité entre Robert Lafrenière et le pouvoir politique. Je tique quand j’apprends que, en plus, l’actuel sous-ministre à la Sécurité publique, Martin Prud’homme, autre ancien de la SQ, est le gendre de M. Lafrenière, conjoint de la fille de M. Lafrenière, Dominique, qui était jusqu’à tout récemment affectée à l’escouade Marteau.»
Comment le Commissaire de l’UPAC peut-il avoir les coudées franches alors qu’il relève du ministre de la Sécurité publique?
La question est légitime quand on connaît le contexte dans lequel l’UPAC a été créée, après deux années d’allégations de collusion et de corruption entachant l’image du PLQ.
En rétrospective et les derniers événements le démontrent encore, l’indépendance de l’UPAC est au cœur de la crise qui la secoue.
Pour un Comité de surveillance
La lutte contre la corruption est un enjeu qui ne peut être laissé à un seul homme. D’où l’importance de soustraire le Commissaire de l’UPAC à l’influence des gouvernements, quel que soit le parti au pouvoir.
Deux correctifs s’imposent:
1. Procéder à une modification de la Loi concernant la lutte contre la corruption afin de permettre à l’UPAC de remplir son mandat en toute indépendance.
À cette fin, le prochain Commissaire doit être nommé aux deux tiers des membres de l’Assemblée nationale, au même titre que le Vérificateur général du Québec.
2. Créer un Comité de surveillance composé de membres reconnus pour leur intégrité afin d’encadrer le processus décisionnel de l’UPAC et s’assurer que les enquêtes sont menées à terme et selon les règles de l’art.
Couillard doit assumer
Quant à l’enquête criminelle en cours impliquant l’ex-premier ministre Charest et son ami Marc Bibeau, le premier ministre Couillard, qui a participé au financement libéral à hauteur de 100 000 $ pendant les années où il était ministre de la Santé ne peut se soustraire à ses responsabilités.
Il l’a reconnu lui-même, le 18 septembre 2013, quand il a dit que «le passé est là. On ne le refera pas. On va l’assumer.» (Presse canadienne).
Il avait eu une occasion en or de s’inspirer de Paul Sauvé, qui avait lancé son célèbre «Désormais», quand il avait accédé au pouvoir, en septembre 1959, rompant ainsi avec les 30 ans du régime Duplessis et engagé le Québec dans des réformes majeures qui ont ouvert la voie à la Révolution tranquille.
Cette occasion tout indiquée s’est présentée à M. Couillard, en mars 2013, lorsqu’il est devenu chef du PLQ. C’était le moment de faire maison nette en procédant à un audit indépendant. Il aurait alors répudié le système qui avait inféodé le parti durant les 15 années de l’ère Charest.
Non seulement il ne l’a pas fait, mais il a délibérément refusé de rompre avec l’ordre établi, préférant marcher dans les pas de son processeur. Il ne peut donc pas prétendre aujourd’hui à une virginité tout aussi artificielle que douteuse.
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