QUÉBEC | Interrogé par les députés dans le cadre de l’étude des crédits budgétaires, le grand patron de l’Unité permanente anticorruption, Robert Lafrenière, a tenté de se faire rassurant en promettant d’aller jusqu’au bout avec l'enquête Mâchurer, qui vise entre autres Jean Charest et son ami Marc Bibeau.
Une fuite « inadmissible »
Le commissaire à la lutte contre la corruption n’a pas mâché ses mots pour dénoncer la fuite de documents confidentiels à l’origine des reportages de notre Bureau d’enquête dans les journaux et à la télévision.
«J'étais outré. [...] D'avoir une fuite comme ça, c'est inadmissible. [...] C'est un geste d'une déloyauté totale. [...] Si la personne qui a fait ça pensait nous déstabiliser, elle ne nous a que distraits, et soyez certains que je vais me rendre au bout de cette enquête-là.»
Même s’il assure que jamais «l’enquête n’a été menacée» par ce coulage, M. Lafrenière craint que son organisation ait été victime de piratage. «Est-ce qu’on s’est fait hacker? Est-ce que c’est quelqu’un qui a donné des informations?» a-t-il soulevé. C’est ce que l’enquête administrative qu’il a déclenchée cherche à déterminer.
Pas d’immunité
Les politiciens ne bénéficieraient d’aucune immunité ni de pouvoir leur permettant de bloquer des enquêtes.
«Il n'y a aucune immunité pour aucun Québécois, aucune Québécoise. Ni pour un élu, ni pour un ministre, ni pour un député», a assuré le directeur général de la Sûreté du Québec, Martin Prud’homme.
«Il n'y a aucun blocage, a indiqué à son tour M. Lafrenière. Ce qui amène cette perception-là, quant à moi, c'est la longueur de nos dossiers. [...] Ça va toujours être des dossiers longs. Il y en a un, entre autres, qui un jour va aboutir. [...] J'ai bien l'impression qu'on va mettre des bracelets à ces gens-là, mais ça fait neuf ans.»
Pas de pression
À ceux qui voudraient que les choses procèdent plus rapidement, le commissaire a prévenu qu’il n’est pas question de «tourner les coins ronds» en mettant de la pression sur les enquêteurs.
Il pointe toutefois les avocats de certains suspects, qui vont jusqu’en Cour suprême pour déposer des requêtes qui ont pour effet de retarder la conclusion des enquêtes.
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit avec le projet Mâchurer.
« Les gens veulent voir des menottes »
Robert Lafrenière est conscient que la confiance envers les autorités policières et les institutions est mise à rude épreuve actuellement.
«Les gens veulent voir des menottes, mais ils veulent aussi voir des condamnations», a reconnu M. Lafrenière.
«Un total de 314 personnes, entités morales ou individus, ont été accusés depuis le début de l'UPAC (en 2011)», a-t-il rapporté.
À l’heure actuelle, près de 200 dénonciations sont en attente de vérifications à l’UPAC. Il y a environ un mois, M. Lafrenière a réclamé le budget nécessaire pour recruter «une douzaine de ressources» supplémentaires, mais le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, n’a pas encore fait cheminer cette demande au Conseil du trésor.
7 personnes accusées au criminel depuis un an grâce aux enquêtes de l'UPAC
- Odette Poulin, ex-directrice générale de Saint-Louis-de-Gonzague, en Beauce
- Michel Rodrigue, entrepreneur de la Beauce
- François Paré, entrepreneur de la Beauce
- Yves Deraiche, col bleu à la Ville de Montréal
- Pierre-Yves Simard, col bleu à la Ville de Montréal
- Stéphanie Paquette, directrice des finances au collège Édouard-Montpetit.
- Dino Marcoux, conjoint de Stéphanie Paquette
Le fil des événements en 5 dates
► 14 novembre 2013
Perquisitions dans les locaux des entreprises Centres d’achats Beauward, Schokbéton et Saramac dont le siège social est situé dans une bâtisse sise au 430, boulevard Arthur-Sauvé à Saint-Eustache. Les trois entreprises sont détenues par l’ex-argentier du Parti libéral du Québec, Marc Bibeau, et sa famille. Les données informatiques sont mises sous scellés.
► Février 2014
Requête du Directeur des poursuites criminelles et pénales et de la Sûreté du Québec pour faire desceller les données informatiques.
► 13 juin 2016
La juge Sophie Bourque de la Cour supérieure autorise l’UPAC à avoir accès aux scellés sous certaines conditions. Dans la foulée, les avocats de Bibeau demandent l’autorisation d’en appeler à la Cour suprême.
► 2 février 2017
La Cour suprême rejette la demande d’appel.
► 4 mai 2017
Le commissaire de l’UPAC, Robert Lafrenière, indique qu’on a mis en place les mesures pour avoir accès à la banque de données avec un ami de la cour (un avocat impartial nommé pour s’assurer du respect des ordonnances et du privilège client/avocat).
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