L'ingouvernable France à l'heure des réformes

Cette réforme, essentielle et adoptée dans plusieurs pays d'Europe, a provoqué hier une nouvelle levée de boucliers.

Quel tétage - les Québécois s'opposent à la bêtise de leur gouvernement et GESCA les accuse de freiner le développement...


Les « forces d'opposition » provoquent un immobilisme au Québec, est-il souvent entendu. Cette paralysie sociale empêcherait ainsi une kyrielle de projets d'aboutir, malgré les perspectives d'enrichissement collectif, la création de milliers d'emplois, le défrichage de nouveaux secteurs économiques, etc.
Nous l'entendons ces jours-ci dans le dossier du gaz de schiste, alors que le Parti québécois s'est fait la voix d'autres opposants en demandant un moratoire sur les travaux d'exploration de ce potentiel industriel. Nous l'avons aussi entendu dans les cas du port méthanier Rabaska, de la privatisation du mont Orford, de la centrale thermique du Suroît, etc.
En France, l'opposition à un projet de réforme des retraites semble aller beaucoup plus loin, au point que la réputation d'être un pays ingouvernable refait surface. Cette réforme, essentielle et adoptée dans plusieurs pays d'Europe, a provoqué hier une nouvelle levée de boucliers. Des centaines de milliers de Français sont descendus dans la rue. Selon les évaluations des syndicats, ils étaient au moins deux, trois ou quatre fois plus nombreux dans chaque ville, entre 1,1 et 3 millions à la grandeur du pays. Et pour les mouvements ouvriers, l'objectif était de faire sortir plus de monde que la dernière manif sur le même thème, alors que 800 000 personnes étaient descendues dans la rue en juin dernier.
Dans l'Hexagone se livre un combat en règle sur tous les fronts à chaque fois que l'État veut y aller d'une refonte, alors que les protestataires parlent d'attaques sur les acquis sociaux. Tous les moyens sont bons : dans le présent dossier, c'est la crédibilité même du ministre chargé du dossier, Éric Woerth, qui est entachée par une accusation de conflit d'intérêts sans aucun lien avec le thème des réformes. L'objectif réel : avoir la peau du ministre de façon à retarder les mesures de réforme de plusieurs mois et enterrer le dossier jusqu'au lendemain des prochaines élections présidentielles, en 2012.
Ce n'est pourtant pas une surprise : le président Nicolas Sarkozy s'est toujours positionné comme le candidat du changement, évoquant à plusieurs reprises « l'urgence des réformes » : il a fait moderniser l'économie, initié le « revenu de solidarité active » et imposé un style présidentiel radicalement différent. Mais la réforme des retraites pourrait bien être le plus ambitieux projet de sa présidence, le plus difficile aussi.
Vu d'ici, tout cela est particulièrement mystérieux... alors que les sondages semblent illustrer que les Français sont en accord avec la réforme lorsque consultés individuellement. Mais collectivement, c'est une tout autre affaire. Comme si les citoyens étaient d'accord, voyant bien que l'équation économique ne peut tenir à moyen ou long terme, mais qu'à la seule condition que cela n'affecte que les autres...
Au Canada, où l'âge de la retraite a longtemps été de 65 ans (avant d'être aboli dans plusieurs provinces), il apparaît anachronique de voir la classe ouvrière française lutter bec et ongles contre le passage de l'âge de la retraite de... 60 à 62 ans ! D'autant plus que ce privilège a déjà été modifié dans d'autres pays de l'Union européenne, comme l'Espagne, alors que le moteur économique du continent, l'Allemagne, fait travailler son monde jusqu'à 67 ans.
Le président François Mitterrand, d'allégeance socialiste, avait ramené les retraites à 60 ans, dans les années 1980. Trois décennies plus tard, les perspectives sont catastrophiques pour les caisses de retraite : 42,3 milliards de déficit en 2018. Dans ce domaine, l'argent ne se crée pas par le pouvoir de l'esprit. Il faut un certain nombre d'années de cotisation pour financer une retraite qui durera le reste d'une vie que les percées dans les soins de santé rallongent à toutes les décennies.
Le gouvernement Sarkozy s'y prend avec les gants blancs en proposant d'étaler les réformes sur huit années. Parallèlement, il y aura augmentation des taux d'imposition des plus riches, des options d'achat d'action, sur les dividendes, sur les gains en capital immobilier, etc. Il y a une volonté nette de partager le fardeau collectif parmi plusieurs. Malgré cela, l'opposition se braque.
Ingouvernable, la France ? Peut-être. Au jeu des comparaisons, le Québec paraît l'avoir facile.


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